Armand Morin
Né à Nevers (France) en 1984
Vit et travaille à Bruxelles
morin.armand@gmail.com
http://vimeo.com/armandmorin/videos
Armand Morin a été diplômé des beaux-Arts de Nantes en 2007. Son travail s'approprie les diverses formes générées par le monde des loisirs, liées au paysage et à l'architecture. En 2008, ses vidéos et sculptures sont récompensées par le Prix des arts plastiques de la ville de Nantes. En 2009, l'école des Beaux-Arts de Nantes lui propose une bourse de post diplôme pour poursuivre ses recherches à Miami, dans le cadre du groupe de recherche "Pensées Archipéliques". Il y tourne les vidéos "Pardon our Dust" et "Le Monastère Espagnol" qui interrogent le rapport de Miami à son territoire et les emprunts culturels européens que l'on retrouve dans son architecture. Il entame fin 2010 le Cursus du Fresnoy, Studio national des arts contemporains et réalise en 2011 "Opa-Locka will be beautiful", un "conte documentaire", sur une banlieue de Miami inspirée des contes des Mille et Unes Nuits.
Pour débuter un travail, je commence le plus souvent par suivre ces sentiers très balisés du tourisme, des loisirs et de la vie quotidienne. Je choisis une destination, pour voir... Ca peut être la foire exposition d’à côté ou un désert américain rendu mythique par le cinéma populaire. Je construis des promenades, je décide d’excursions. J’attends de celles-ci un plaisir lié à la curiosité, au tâtonnement et à l’étonnement. Je documente ces moments par des images et des souvenirs qui concentrent mon intérêt pour des expériences, des lieux, des objets…
Ces observations resurgiront dans des productions qui assemblent des bribes de situations disparates.
Depuis longtemps, je m’intéresse à la manière dont les industries des loisirs et du divertissement traitent du paysage. En effet, les produits et activités liés au temps libre usent de tous les moyens de représentation possibles pour évoquer un monde imaginaire ou absent. Par exemple, lorsque je me promène dans un zoo ou visite un musée d’Histoire naturelle, je m’attarde sur les reconstitutions des différents milieux où ont été prélevées les espèces montrées et la proximité de ces ersatz d’ «habitats naturels».
J’en retiens plusieurs choses :
-la scénographie de ces lieux est un moyen à part entière de représenter la nature, au même titre que la peinture de paysage ou le cinéma documentaire.
-ce mode de représentation sans épaisseur développe un ensemble de techniques et d’artifices qui forment une grande richesse de langages.
-la géographie se resserre à une vitesse vertigineuse pour correspondre à la démarche lente du visiteur et à l’espace limité de sa visite.
-des êtres vivants évoluent dans un décor et sont sans cesse en représentation.
J’ai fait de ces observations un principe de travail pour élaborer photographies, sculptures, vidéos et installations.
Dans ma pratique, il s’agit donc de représenter lieux, architectures, événements et personnages par collages et analogies ; de mélanger matériaux, supports et références pour obtenir des modèles d’espaces chimériques. Ainsi, un mouvement dans l'espace et le temps émerge, des rapports complexes entre des situations plus ou moins comparables ou superposables apparaissent.
Je ne me contente pas de voyager en piétinant au parc, même si l’imaginaire est sollicité d’une manière comparable, provoqué par le mouvement et l’inconnu. Le voyage m’intéresse là où il relativise notre histoire personnelle et stimule notre capacité d’interprétation. Lorsque l’on voyage, il y a ce que l’on voit, capte, documente. Nous reconnaissons une partie de ce que nous découvrons, en lien avec nos expériences passées. Mais il y a aussi ce qui résiste, ce qui nous est inconnu et donc mystérieux. Ce sont deux regards simultanés qui combinent leurs effets. Dans mon travail vidéo, j’essaie de mettre en place un dialogue entre ces regards pour les faire évoluer, les confondre, les perturber. C’est une façon de ne pas les figer dans la naïveté de la première découverte.
Dans leur écriture, mes films proposent une rencontre en plusieurs temps avec des paysages et des architectures, multipliant volontairement les ambiguïtés, les allers-retours. Ainsi je questionne l’image à travers la nature du document, les possibilités de manipulation de celui-ci ; et sa réception à travers le potentiel fictionnel d’un espace, ainsi que la place et l’importance de l’espace dans un film.
J’essaie pour ma part de travailler le montage et l’installation en tenant compte de ces différents niveaux de représentation et de lecture, entre les espaces que j’ai visités, le regard que je porte sur eux, et les possibles projections de celui qui reçoit le travail.
Que ce soit pour des sculptures, des installations ou des vidéos, j’utilise donc des techniques de montage.
En vidéo, ça peut être la superposition de deux lieux ou deux événements que le montage va mêler. Ainsi depuis un point de vue documentaire, ces vidéos s’éloignent du réalisme pour glisser lentement vers le récit. Le paysage se réinvente alors, prend une forme plus fantastique. Il s’agit de mentir un peu, de déformer, d’exagérer ou d’inventer ce qui n’est pas là grâce à l’association des images.
Mes sculptures synthétisent aussi ces expériences liées au paysage et aux loisirs. Leur forme les rapproche du mobilier ou d’éléments architecturaux, mais leurs matériaux rappellent des espaces absents, exotiques, ou des époques passées.
Comme des réminiscences de promenade, elles tentent de rejouer déplacements et vitesses. Ainsi certains éléments qui constituent ces sculptures évoquent avec évidence les notions de mouvement, de véhicule, de destination. D’autres éléments suggèrent un déplacement dans le temps: un morceau de bois pétrifié du jurassique, un style populaire du XIX° siècle, une vision futuriste déjà caduque.
Paradoxalement, cette notion de mobilité se confronte directement aux composantes physiques des sculptures, leur construction, leur masse et leur immobilité.
Beaucoup de mes travaux intègrent la série DYNAROCK qui exploite l’idée du minéral en mouvement, que ce soit d’un point de vue scientifique rationnel ou poétique (à la suite de Pierres de Roger Cailloix). Grâce à celle-ci j’explore une grande variété de paysages, de temporalités, de phénomènes et de pratiques, Un ensemble de vidéos, photographies, objets et sculptures viennent enrichir cette série et dialoguent malgré leurs formats et sujets différents, indépendants.