Art dans les Chapelles, 2010

Vincent Mauger

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Vincent Mauger, «Art dans les Chapelles», 2010, photographie : VM
Vincent Mauger, «Art dans les Chapelles», 2010, photographie : VM
Vincent Mauger, «Art dans les Chapelles», 2010, photographie : VM
Vincent Mauger, «Art dans les Chapelles», 2010, photographie : VM
Vincent Mauger, «Art dans les Chapelles», 2010, photographie : VM
Vincent Mauger, «Art dans les Chapelles», 2010, photographie : VM
Vincent Mauger, «Art dans les Chapelles», 2010, photographie : VM
Vincent Mauger, «Art dans les Chapelles», 2010, photographie : VM
Vincent Mauger, «Art dans les Chapelles», 2010, photographie : VM

Art dans les Chapelles, 2010

Chapelles Saint-Nicodème

Commissariat Olivier Delavallade

Saint-Nicodème, l’étoile et le chaos

Les œuvres de Vincent Mauger développent des logiques paradoxales. Etudes liées à l’espace, au volume, à l’architecture, elles s’incarnent en installations in situ, sculptures autonomes, déploiements graphiques ou vidéo. Elles ont toutes en commun cette capacité à osciller entre plusieurs référents, entre plusieurs problématiques de représentation.

L’un des enjeux de ce travail se situerait précisément entre matérialisation et dématérialisation de l’objet. Vincent Mauger propose des va-et-vient constants entre construction volumineuse (plaisir d’exploration du matériau, défi du chantier parfois monumental) et légèreté virtuelle. Dans les effusions numériques de notre ère contemporaine, il réintroduit du jeu, couplant  une dimension plus primitive à la sophistication des logiciels 3D.

Surface alvéolaire de gaines PVC assemblées, topographie de papier froissé, relief de polystyrène escarpé, ses installations reposent sur une recherche empirique souvent très artisanale, nourrie de l’observation attentive des matériaux, de leurs propriétés intrinsèques, de la façon dont ils se travaillent, se coupent, se cassent…Que le visiteur ne s’attende pas pour autant au savoir-faire d’un compagnon : c’est moins la dextérité du geste que la rationnalité de construction qui intéresse l’artiste, la définition de modules et de systèmes d’assemblage. Ainsi libéré des contraintes techniques, il se concentre alors sur le déploiement spatial de ses paysages mentaux : maillages textiles ou imbrications boisées, ses œuvres obéissent souvent à une logique proliférante, une dynamique de l’expansion voire de l’envahissement. Le regard glisse sur ces étendues pondérables et pourtant légères, no man’s lands qui désorientent ostensiblement les repères et suscitent la promenade rêveuse, analogique.

Pour la Chapelle Saint-Nicodème, l’artiste interroge à nouveau notre rapport à l’espace et aux matériaux : monumentale météorite, sa sculpture en contreplaqué brut éprouve une double approche des surfaces et des contours. Elle s’aborde comme un pliage complexe qui converge vers un point central, une structure étoilée qui allie la précision linéaire d’un système orthogonal à la rugosité déchiquetée des arrêtes externes. L’ensemble évoque la délicatesse de certaines cristallisations minérales menacée d’un assaut destructeur, où le lisse lutte contre le déchiré, le statisme contre l’explosion, la méticulosité du pli contre l’énergie du gros-œuvre. Eclaté dans l’espace, ce work in progress offre l’énigme de son suspens, en arrêt sur image dans un lieu d’exposition auquel il confère une identité troublante, comme une scène de crime à peine commis.

Non loin, en clin d’œil au Saint-Nicodème polychrome muni d’une tenaille et de clous, Vincent Mauger suggère au visiteur de considérer à deux fois la nature des outils qu’il feint d’employer : sa réplique d’une masse moulée en plomb, image-représentation qui connote l’acte de fabrication ou de destruction, est malicieusement servie par un matériau dont la mollesse désamorce toute idée d’action effective.

A la fois violente et contemplative, l’exposition de Vincent Mauger trace alors dans son sillage des pistes d’interprétations multiples où point n’est question d’illusion, mais plutôt de modification de la perception. Son sens reste donc ouvert, flirtant toutefois avec l’intuition d’une fragilité du monde, où l’artiste organise le chaos tout comme il s’emploie peut-être à susciter notre capacité à voir, autrement.

Eva Prouteau