Lecture gargarythmique, 2011

Jean Bonichon

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Jean Bonichon, «Lecture gargarythmique», 2011, photographie : droits réservés
Jean Bonichon, «Lecture gargarythmique», 2011, photographie : droits réservés
Jean Bonichon, «Lecture gargarythmique», 2011, photographie : droits réservés
Jean Bonichon, «Lecture gargarythmique», 2011, photographie : droits réservés
Jean Bonichon, «Lecture gargarythmique», 2011, photographie : droits réservés
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Lecture gargarythmique, 2011

Performance (durée variable) CAC Le Creux de l'Enfer Thiers

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Jean Bonichon, psaume Gargarythmique .
Par Frédéric Bouglé, février 2011

On dit d’une personne qu’elle ne mâche pas ses mots – voire qu’elle ne devrait pas mâcher un chewing-gum en parlant – et d’une autre qu’elle devrait, avant de parler, faire tourner sept fois sa langue dans sa bouche. On dit aux enfants qu’il ne faut pas parler en mangeant, mais on dit aussi que la vérité sort de la bouche des enfants. Artiste invité à réaliser une performance pour le vernissage Les enfant du sabbat XII, Jean Bonichon s’amuse de ces principes devant tous ; pratiquant par « l’altération aquatique de ses organes phoniques » un drôle de récitatif. Ce soir là, en effet, Jean Bonichon ne mangeait pas ses mots, il les buvait et les régurgitait aussitôt. Dans son « Dictionnaire des idées reçues », Flaubert rappelle que Démosthène prononça un discours un galet dans la bouche pour perfectionner la portée de sa voix, une manière d’apprendre à s’exprimer clairement face au bruit d’une mer grondante. Dans la Vallée des usines à Thiers, point de vagues à surmonter, reste une chute d’eau entêtante, et ce soir là le brouhaha des nombreux invités.

Jean Bonichon, silhouette élancée, grand blond flegmatique aux chaussures usées, se lance dans son étrange et inconsolable plaidoyer. Peu intimidé, un micro à la main gauche, une bouteille d’eau à la main droite, perché sur un petit tabouret, l’artiste fait chuter le liquide insipide dans sa cavité buccale comme s’il y avait un brasier, tête renversée pour mieux la noyer. A ses cotés, un haut socle métallique accueille sa bouteille plastique, avec un petit ampli posé à ses pieds, chaque diction laissant échapper une coulée de diarrhée sonore. Entre chaque rasade, un temps de silence que personne n’ose troubler, c’est lui qui rythme le chant de sa logorrhée.

Dès 1913, avec l’ « Arte dei rumori » de Luigi Russolo, le futurisme italien reconnaît L’art des bruits, de la voix et du cri, et dès 1927 le Théâtre de la pantomime. En 1953, François Dufrêne, encore Ultralettriste des cordes vocales, époumone son premier «Crirythme ». Pour Tristan Tzara, avec Dada c’est conclu, «  La poésie se fait dans la bouche ». Antonin Artaud, Marcel Jousse, Jean-Louis Brau, Henri Chopin, William Burroughs, Michel Giroud, Jacques Halbert et bien d’autres entonnèrent chacun à leur manière cette poésie déconcertante. Pour Jean Bonichon, l’important est de communiquer à tous en se faisant comprendre autrement. Et si son médium guttural émet à partir d’une langue francophone, son logogriphe gargarythmique atteint un auditoire polyglotte. Un ange au psaume brouillé est passé, et tout le monde s’est tu pour écouter, mi amusé mi interloqué, avant un soulèvement d’applaudissement.

Lecture Gargarythmique : crée en 2008 pour le pavillon des sources du CAC Parc Saint Léger pour les petites formes concertées: Garden Party, ré-activé pour Les Enfants du Sabbat XII.