V.G.U.S. 1250, 2025

Matthieu Husser

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Matthieu Husser, «V.G.U.S. 1250», 2025, Polystyrène, crépis, béton, peinture acrylique, Klosterscheune Zehdenick, Zehdenick
Matthieu Husser, «V.G.U.S. 1250», 2025, photographie : droits réservés

V.G.U.S. 1250, 2025

Polystyrène, crépis, béton, peinture acrylique 105 × 110 × 30 cm Klosterscheune Zehdenick Zehdenick commissariat Spunk Seipel

V.G.U.S. 1250

L’artiste français Matthieu Husser a installé, en août 2025, une sculpture temporaire sur le pignon de la grange du monastère, qui, au premier regard, semble être une pierre gothique présente depuis des siècles. Il s’agit d’une spirale rappelant le réseau ornemental des vitraux gothiques ou encore une clé de voûte d’un édifice médiéval.

En réalité, beaucoup reconnaîtront en l’observant de plus près un signe très contemporain, symbole d’un bouleversement extrême de notre monde : c’est l’emblème de l’intelligence artificielle ChatGPT. Le titre de l’œuvre, V.G.U.S., signifie « parler avec un transformateur génératif pré-entraîné ». Le nombre 1250 ne désigne pas un numéro de série, mais l’année de fondation du monastère de Zehdenick.

Nous sommes certes déjà habitués, depuis des décennies, à de nombreux changements radicaux liés aux techniques numériques. Mais l’intelligence artificielle (IA) est, à bien des égards, encore plus révolutionnaire que tout ce que nous avons connu jusqu’ici dans ce domaine. Elle ouvre des possibilités insoupçonnées, tout en apparaissant pour beaucoup comme une menace considérable. Les personnes créatives et intellectuelles doutent parfois que leurs compétences soient encore utiles. D’autres vont jusqu’à remplacer leurs contacts sociaux par l’IA.

ChatGPT représente une véritable rupture d’époque dans l’histoire de l’humanité, dont nous n’avons pour l’instant qu’une idée très vague des développements futurs.

Matthieu Husser a déjà, en France, intégré des symboles de l’ère numérique dans des églises historiques, comme s’il s’agissait de reliques authentiques provenant de temps immémoriaux. Dans son travail à Zehdenick, il reprend également la structure des murs en pierres de champ. Ce faisant, il questionne non seulement notre perception et notre idéalisation des bâtiments médiévaux, mais aussi notre conception de la religion.

La religion est souvent perçue comme immuable, attachée à la tradition. Pourtant, presque toutes les croyances se distinguent par une grande capacité d’adaptation à de nouveaux besoins sociaux ou spirituels. Le christianisme a été – et demeure – un maître dans l’art d’approprier et de réinterpréter des signes étrangers à son profit. En cela, il ressemble au nouvel univers qu’est Internet, lequel, en un temps très court, a déjà traversé plusieurs phases de développement et produit sans cesse de nouvelles formes et symboles, tout en conservant sa structure de base.

Certains chercheurs discutent même de la question de savoir si ChatGPT peut constituer un substitut à la religion pour l’être humain. On affirme que le cerveau d’utilisateurs assidus réagit, à la vue du signe de ChatGPT, de la même manière que celui des croyants devant une croix. ChatGPT instaure, par la communication, une confiance dans le monde, tout comme les religions le font. Mais l’IA peut-elle vraiment remplacer une religion en nous donnant des repères de vie ?

En ajoutant le signe de ChatGPT sur le mur de la vieille grange du monastère – comme si l’on avait placé là un vestige d’une ancienne église détruite – Matthieu Husser ne se contente pas de poser la question de savoir si ChatGPT remplace les religions anciennes. Il fait aussi référence à la transformation des symboles et à l’appropriation de signes et de structures de communication par l’Église chrétienne.

La tromperie historique consistant à faire passer ce signe pour un ancien élément architectural nous amène également à réfléchir à notre perception : qu’est-ce qui est authentique, qu’est-ce qui est faux ? Quelle est la valeur de la tradition religieuse héritée, et peut-elle vraiment être remplacée aussi facilement ?

Spunk Seipel, août 2025