Artistes
Zhu Hong : born 1975 in Shanghai, Chine, lives and works in Nantes.
Bulles d’Erdre, -Collège Isabelle Autissier, Nort-sur-Erdre
Solo exhibitions
2024
- «Elégence du trait», Galerie 208, Paris, avec Shan Weijun
2023
- «Fenêtre sur», dispositif Insitu, Galerie du Collège St-Exupéry, La Montagne
- «Un bref instant éblouissement», La Maison de l’Erdre, Île de Versaille, Nantes
2022
- «La façon d’exister d’un silence», Maison Julien Gracq, St-Florent-le-vieil
- «L’éclat», Musée Magnelli et Musée de la céramique, Vallauris
- «Le jour rayonnant», Espace Millecamps, Collège Gaston Chaissac, Pouzauges
2021
- «Les lignes de l’eau», Musée d’Art, Nantes
- «Of Water», The Merchant House, Amsterdam
- «Amstel, Bridge, delirium», Capital C, Amsterdam, avec Sylvie Bonnot
2020
- «La Paresse de l’œil», dispositif Insitu, Galerie du Collège Arthur Rimbaud, Donges
2019
- «Le jour se lève», l'Echiquier, Pouzauges
- «Zhu Hong/Rika Tanaka», Centre d’art Contemporain, Pontmain
2018
- «Une invitation, Zhu Hong et la collection du Frac des Pays de la Loire», Salle Henry-Simon, Saint-Hilaire-de-Riez
- «Zhu Hong, Where Silence is Avoid of Noises», SinArts Gallery, La Haye, Pays-Bas
2017
- «Sylvie Bonnot & Zhu Hong, Make things happen : Young artiste in dialogue I», The Merchant House, Amsterdam
- «3M2 de lumière», Musée de la Roche-sur-Yon
- «Faire impression», Galerie Graphem, Paris
2016
- «Partition dessinée», avec Anne-Sophie Duca, Maison Chevolleau, Fontenay-le-Comte
2015
- «Pour la nuit», Galerie Robespierre, Grande-Synthe
2014-2015
- «D’un Salon à l’autre», Musée des Beaux-arts, Dijon
2013
- «Décor intérieur», Château du Grand Jardin, Joinville
- «Constellation», Scène Nationale (l’ARC), Le Creusot
- «Bloc», La Pommerie, Saint-Sentiers
2012
- «L’enveloppe d’un instant», Centre du Pôle International de la Préhistoire, les Eyzies-de-Tayac
- «Le génie des arts», Maison Rhénanie Palatinat, Dijon
- «Une pose entre deux gestes, Zhu Hong & la collection du Frac Franche-Comté», Chapelle de l’Hôtel de Ville, Vesoul
2011
- «La présence d’un oubli», 2angles, Flers
- «Aile du silence», Chapelle St-Valère, Port sur Saône
- «No Copy Right», avec Christian Robert-Tissot, Galerie Interface, Dijon
2010
- «Pièce de collection», Musée Ziem, Martigues
- «De l’ange au lion», Haus Burgund, Mayence, Allemagne
- «A l’affiche», La Galerie, Talant
2009
- «Le Mur des Thermes», Musées de Sens
- «Le noir et le blanc de Hong», Galerie l’attrape couleur, Lyon
- «ZHU Hong», Galerie ROZKU, Mannheim, Allemagne
2008
- «La visite», Château de la Louvière, Montluçon
- «Dans le Musée», Maison de la culture, Bourges
- «ZHU Hong», Maison des expositions, Genas
Group exhibitions
2023
- «Perceptions», Le RU - Artothèque, Angers
- «Art on Paper», avec Sinarts Gallery, Gare Maritime, Bruxelles
2022
- «Just in time», Galerie 208, Paris
- «De Visu, », Galerie Open School & Showroom artdelivery, Beaux-Arts Nantes
- «Asia Now», Monnaie de Paris, avec la Galerie 208, Paris
- «Mix», Musée d’art et histoire, Cholet
2021
- «6 Weekends d’Art Contemporain», Galerie Neuf, Nancy
- «Cueillir des étoiles», Nouvelles acquisitions de la collection artdelivery, Beaux-Arts Nantes
2020
- «La fabrique des collections», Musée des Beaux-arts, Dijon
2019
- «Art on paper», avec SinArts Gallery, Bozar, Bruxelles
2018
- «5mm par heure», exposition des Lauréats de Prix Arts Visuels de la Ville de Nantes, l’Atelier Nantes
- «QADE Art Fair», avec SinArts Gallery, Rotterdam, Pays-Bas
- «KunstRai», avec SinArts Gallery, Amsterdam
- «Des rives aux glissements», Centre culturel de Gentilly, Paris
- «15ans», 2angles, Flers
- «Making Things Happen: Young Artists Remix», The Merchant House, Amsterdam, Pays-Bas
2017
- «Regards croisés avec les collections des musées d’Angers», Musée Jean Lurçat, Angers
- «Etat des lieux», organisé par collectif Open it, Nantes
2016
- «Du Musée des Beaux-arts au Musée d’arts», sur l’invitation de Régis Perray dans son Petit Musée, l’Atelier, Nantes
- «Vies d’ici, vues d’ailleurs-Traces de résidence», Pôle Internationale de la Préhistoire, les Eyzies-de-Tayac
- «Paysage en regard(s)», Maison de la Boétie, Sarlat
2015
- «Arts à la point», circuit d’art contemporain et patrimoine, Pointe de Raz
2011
- «km 500 4», Kunstalle Mainz, Mayence, Allemagne
- «...3xklingeln!», curateur Günter Minas, Mayence, Allemagne
- «L’Eclair», une initiative de Frédéric Sanchez et de Emma Perrochon, Centre E. Leclerc, Tonnerre
2010
- «Es war einmal ein Papagei, der war beim Schöpfungsakt dabei», Château Balmoral, Bad Ems, Allemagne
- «Traversée d’Art», Château de Saint-Ouen, Paris
2009
- «Art scout one», curateur Rolf Lauter, Mannheim, Allemagne
- «Curator’s Choice», curateur Rolf Lauter, Swiss Art Institution, Karlsruhe, Allemagne
- «Au-delà du cadre», Musée des Ursulines, Mâcon
- «Obecność / Présence», Galerie w Ratuszu, Leszno, Pologne
2008
- «Exposition de Mars», Atheneum, Dijon
- «Mulhouse 008», Parc des expositions, Mulhouse
2007
- «Figure singulière», Eglise Saint-Pierre, Avallon
Grants, awards
2012
- Aide à la création, DRAC Bourgogne
Publications, broadcasts
2018
- «Revue RAR », Entretien avec Zhu Hong, par Elodie Derval, p48-57, edition Artothèque d’Angers
2017
- «Make things happen : Young artiste in dialogue I, ZHU HONG», The Merchant House, Amsterdam
- «ZHU HONG, 3M2 DE LUMIERE», Edition Lienart, Paris
2015
- «Zhu Hong, Pour la nuit», la résidence de la Ville de Grande-Synthe
- «Interface 1995-2015», catalogue de l’exposition, Interface Dijon
2014
- «ZHU HONG, L’enveloppe d’un instant», catalogue de résidence de l’art en Dordogne, Edition Le Festin
2013
- «INTERFACE appartement/galerie, 2007-2012», catalogue de l’exposition, Interface Dijon
2012
- «Km500», catalogue d’exposition, Kunstalle Mainz
- «Aile du silence», livre d’artiste, résidence Amalgame, Villers sur Port
2011
- «Le génie des arts», Künstlerhaus Schloβ Balmoral, Allemagne
- «Villa des délices», livre d’artiste, 2angles, Flers et Interface, Dijon
- «ZHU Hong, La présence d’un oubli», catalogue de résidence 2angles, Flers
- «Ici ! artistes en residence», 2angles, Flers
2010
- «ZHU HONG, PIECE DE COLLECTION», Musée Ziem, Martigues
2008
- «ZHU Hong», Shakers, Montluçon
Public and private collections
2017
- Artothèque de la Roche-sur-Yon
2016
- Artothèque d’Angers
2015
- Musée des Beaux-arts de Dijon
2010
- Musée Ziem, Martigues et Musées de Sens, Sens
2009
- Ville de Genas
Commissions, 1% artistique
2020-21
- 1% artistique, Collège Isabelle Autissier, Nort-sur-Erdre
Workshops, teaching
depuis 2018
- professeur de dessin, l’Ecole nationale supérieur d’Architecture de Nantes
2023
- Atelier Glaneur du fragment, classes de 4ème, Collège Saint-Exupéry, La Montagne
2022
- Atelier d’art plastique avec une classe de 6ème et une classe de 5ème autour de la lumière et de cyanotype, Collège Isabelle Autissier, Nort-sur-Erdre
2021
- Workshop l’école d’art Angers, 1ère année
2018
- Ateliers de la résidence LOOP, 1 class de primaire (8-11 ans), 1 classe de 3ème Collège de Mont-lieu
2016
- Workshop « Fabrique le paysage », avec 2 groupe d’adultes, Maison des arts, St Herblain
2015
- Atelier « Plasticien au Collège », une classe de 4eme, Collège La Fontaine, Missillac. (Financé par le Conseil Général de Loire Atlantique.)
Education, training
2004-2007
- Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique (DNSEP), Félicitations du jury, ENSA Dijon
1993-1997
- Diplôme de l’Institut des Beaux-Arts de l’Université de Shanghai, Chine, Prix d’Excellence
BULLES D’ERDRE
Le collège Isabelle Autissier honore le nom d’une grande navigatrice : on imagine cette dernière flâner sur les berges courbes de l’Erdre, rivière qui déploie son flux tranquille à quelques encablures de cette architecture à la silhouette légèrement tournante, en miroir de l’eau, comme si le bâtiment et son environnement se lovaient l’un dans l’autre.
Ce lien osmotique a beaucoup frappé l’artiste Zhu Hong, dont l’œuvre capte sans relâche l’insaisissable mouvement de la lumière dans l’eau, par la photographie, le dessin et la peinture, ou par l’installation.
À Nort-sur-Erdre, elle a commencé à photographier la rivière pour en extraire les halos qui dansent comme des étincelles sur le plan fluide. Ces jeux entre l’eau et le soleil, qui foudroient parfois le regard de leur brillance incandescente, ont été traduits en gouttes de verre : avec le maître verrier Simon Muller, Zhu Hong a façonné 269 sculptures uniques, bulles transparentes, bleutées ou améthystes qui renferment une onde, semblable à celle produite par une goutte qui tombe dans l’eau. Après 24h de cuisson, et une fois le verre refroidi, une solution au nitrate d’argent a été pulvérisée sur la face arrière de chaque bulle pour créer un effet chatoyant comme le diamant.
Pour spatialiser sa composition, l’artiste choisit le couloir du 2e étage, inondé de lumière naturelle grâce au travelling des fenêtres qui file sous les toits. Sur cette longue surface, elle rejoue un segment du tracé de l’Erdre, entre Nort-sur-Erdre et Nantes : comme une portion irisée du paysage qui ferait irruption dans l’architecture.
Dans le travail de Zhu Hong, la focale oscille souvent entre le lointain et le proche, entre l’échelle cartographique et le zoom dans la matière et son abstraction. Intitulée Bulles d’Erdre, l’installation prolonge ce balancement ambigu, comme dans un paysage qu’on aurait vu en rêve : elle rappelle la délicatesse de la rosée, mais aussi de la nacre qui transforme certains coquillages en bijou ; elle éclabousse le mur de lacs fantastiques qui auraient la densité du mercure et son éclat vif-argent ; elle dessine un archipel inconnu vu du ciel, et un ciel renversé où les étoiles sont des îles ; elle couvre la paroi d’un tapis fluide de cellules, au cœur macrocosmique de la molécule d’eau, et dialogue avec les bulles enfermées dans le béton. Toute surface réfléchissante est conductrice de rêverie, les miroirs et les eaux miroitantes le prouvent par leur aptitude au symbole, leur ouverture à l’interprétation : Bulles d’Erdre illustre de manière limpide cette capacité à transformer le visible en image, et à glisser comme par magie l’irréel dans le réel.
Éva Prouteau
Mars 2021
Éva Prouteau
Réflexions
Zhu Hong prélève, au moyen de la photographie, des reflets et sources lumineuses. Taches de lumières, halos, éclats, irisations : quand la lumière rencontre l’eau, l’image se diffracte. Les couleurs se multiplient, les éventualités s’infinisent*. Les éléments ne s’appréhendent plus que dans l’ondulation de la surface miroitante de l’eau.
Après avoir sélectionné plusieurs clichés, elle vient patiemment faire état de son regard non par la photographie mais à partir de celle-ci pour aller vers le dessin. Ce sont des instants que Zhu Hong fige sur le papier pendant de longues journées après les avoir captés au millième de seconde à l’aide de l’appareil photographique. Capter puis retranscrire. Le geste répétitif consistant à serrer une infinité de traits verticaux les uns contre les autres constitue une trame qui vient déréaliser l’image et tend vers l’abstraction. Parfois le crayon sait se taire, le contraste s’affaiblit pour dissoudre l’image-source en un éblouissement. Patiemment élaborées, ces images sont un éloge au temps qui passe. À la lumière.
Elle n’en adopte pas la touche, ni les couleurs, ni les sujets, mais ce qu’elle fait de la lumière regarde l’impressionisme. De Seurat, divisionniste de la couleur, elle retient (a contrario) les dessins en noir et blanc d’où émergent des formes nées de clairs-obscurs veloutés. Chez lui, les dessins font montre d’une lumière saississante dûe à l’usage du papier vergé – papier possèdant des stries, les vergeures, qui lui confèrent une surface accidentée. Le crayon Conté très gras s’accroche sur les reliefs et fait apparaître le blanc dans les creux. La lumière émane littéralement de la feuille de papier. De cette lumière surgit, par exemple, un nœud noir dans le dessin au titre éponyme**. Un détail qui émane d’un halo. Zhu Hong se fait aussi artiste de l’émanation mais chez elle le nœud a disparu. Point de sujet, point de figure ou presque. Seulement le reflet dont elle éprouve toutes les caractéristiques.
Si d’ordinaire la lumière révèle, ici elle occulte, elle oblitère ou bien elle joue le rôle d’un filigrane qu’il nous faut activer. Image latente. Ce que Zhu Hong appelle à percevoir, ce n’est pas la lumière, ni le dessin, ni la peinture, mais l’impression fugitive, la sensation des infimes changements, la ténuité d’une vibration, une puissance quasi infigurable. Zhu Hong interroge notre perception : jusqu’à quel point ce qui parvient à notre regard diffère de ce qui est devant nous ? Perception versus observation. Pour ce faire, elle éprouve toutes les caractéristiques du reflet. Image réfléchie, image miroir qui répéterait de façon opposée et à plat un espace un réel, c’est aussi une nuance qui apparaît sur la surface colorée de l’eau et qui varie selon l’éclairage. C’est enfin la lumière réfléchie par l’eau des rivières, atténuée, exacerbée. Bien entendu le vocabulaire élaboré ne propose pas la sécheresse d’un inventaire exhaustif mais atteint la fluidité des possibles.
Bertrand Charles, 2018
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*Yves Simon, Le voyageur magnifique, Grasset, 1987, page 36
**Georges Seurat, Le nœud noir, vers 1882, crayon Conté sur papier vergé, 31,8 x 25 cm, Musée d’Orsay, conservé au département des Arts Graphiques du Musée du Louvre
Bertrand Charles
Aux limites du perceptible
Après avoir obtenu ses diplômes à Shanghai où elle acquiert une maîtrise parfaite du dessin, Zhu Hong s’installe en France pour y refaire un cycle complet d’études en art selon les critères occidentaux. Son travail de peintre s’oriente d’abord vers une exploration des modes d’exposition dans les musées européens. Dans ses toiles, elle s’emploie à saisir une vision d’ensemble dans laquelle se mêlent sans distinction hiérarchique, fragments de tableaux, silhouettes de visiteurs, particularités d’encadrements, et éléments prosaïques inhérents au lieu (prises électriques, chaises de gardiens, défauts des murs, fissures, caméras de surveillance …).
Ses peintures, tout en étant d’un réalisme saisissant, s’affirment dans leur qualité propre d’artefact en jouant de leur propre matière, de leur facture singulière, laissant visibles les traces de brosse et d’éventuelles coulures.
En mêlant ainsi les détails de tableaux célèbres aux détails des lieux où ils sont exposés Zhu Hong n’explore pas seulement l’histoire de l’art occidental, mais elle restitue les caractéristiques d’une culture spécifique.
Cette vision à la fois syncrétique et parcellaire se développe également dans la pratique du dessin.
Ses œuvres dévient de la visée traditionnelle du sujet figuratif en révélant ce que d’ordinaire, les réflexes d’un regard sélectif occultent.
Elle interroge ainsi les codes de la perception, donnant autant d’importance au reflet qu’à l’image, à la lacune qu’à la figure, elle fouille les thématiques de l’apparition et de la disparition, du champ et du hors champ, du fragmentaire, des modes de représentation et des incertitudes de leur lecture.
En travaillant blanc sur blanc, en dessinant directement sur des plaques de zinc que l’on emploie d’ordinaire pour la gravure, médium réfléchissant sur support réfléchissant, ce qui oblige le regard au même effort que pour la lecture d’un daguerréotype, elle installe, par rapport au sujet une vision distanciée et élargie qui nous fait passer du détail à la conscience de l’étendue.
Ce recul objectif permet également de situer le spectateur au cœur de plusieurs temporalités et de replacer le thème historique dans une immédiate actualité.
L’art de Hong s’exerce en grande partie en se fondant sur l’art. L’art considéré comme un phénomène qu’elle aborde sous ses multiples aspects, sans établir de priorités : Photographie, catalogues, tableaux historiques, cartons d’invitation, façades de musées… C’est tout l’appareil d’exposition qu’elle parcourt, tous médiums confondus. Elle peut travailler sur le motif pour transcrire en dessins muraux les statues du puits de Moïse à la chartreuse de Champmol ou se contenter du détail d’une affiche d’exposition.
Il ne s’agit pas pour autant de s’installer dans un métalangage. Il ne s’agit pas non plus de glose, ni de nostalgie, mais bien de se mettre à l’œuvre au sens le plus direct du terme, à partir de ce regard pragmatique et distancié, de tracer une voie viable à la peinture et au dessin, dans une perspective contemporaine, à partir des rémanences de leur histoire, à partir des traces et des vestiges de ce qui subsiste dans la mémoire. De retrouver dans le substrat culturel les ferments d’un art vivant.
Dans son exploration d’une mise à distance de l’image, Zhu Hong n’a pas laissé de côté la photographie. Si son travail de dessin sur plaques de zinc nous renvoie simultanément de la gravure au daguerréotype, elle s’est employée, toujours dans la perspective historique et culturelle d’un genre à revisiter par le dessin, à reproduire la totalité du livre de Charlotte Cotton consacré à La photographie dans l’art contemporain (Thames and Hudson, 2004). Soit un ensemble des 199 dessins noir sur papier noir au format des reproductions du livre et qui visuellement peuvent s’apparenter à des négatifs. Une création qui nous remet en présence d’une matière vibrante, mouvante, exigeante parce que difficile à saisir, celle de la mine de plomb.
Cette transcription est certes une façon de rendre hommage à la photographie, mais c’est surtout une façon d’interroger la nature de différents médiums. Elle s’emploie ainsi à révéler ce qui se produit lorsque l’on passe de la photographie à l’image imprimée du livre et lorsque l’on passe du livre au dessin. C’est à dire lorsque l’on passe du domaine de la création à celui de la culture, et de nouveau lorsque l’on revient du domaine de la culture à celui de la création.
“Ce ne sont plus les photos que je reproduis, c’est la situation de ces photos dans un livre que je souhaite montrer. La perception de l’image reproduite, la relation entre les images, la modification de l’échelle, les images mangées par la reliure…“ écrit-elle à propos de ce travail.
L’image, sa saisie, la nature du médium qui la véhicule, ses multiples transcriptions, tout ce qui la parasite et la modifie voire la dénature, ce qui la recouvre, l’occulte ou la dévoile, l’importance hiérarchique de ses sujets, le global et le détail, (ce que dans la peinture italienne on nomme Particolare), le général et le particulier, la réalité et l’apparence, toutes ces interrogations sont liées à celles qui concernent la réception et l’amènent à travailler aux limites du perceptible.
La délicatesse ténue de certaines de ses œuvres oblige l’œil à une attention accrue, Le spectateur est invité à faire un effort pour distinguer une figure entre matité et brillance, à se déplacer pour trouver le bon angle. Son regard est confronté à deux variations contraires et complémentaires : la dissolution de l’image et son surgissement.
Lorsqu’elle dessine ou peint, Hong s’imprègne d’un contexte, des caractéristiques d’un lieu, d’un milieu, de son histoire. Les qualités spécifiques de ce travail découlent de cette façon bien à elle de saisir les choses sans filtre, en situation. De les voir avec un recul suffisant pour apporter un point de vue tout à fait nouveau qui bouscule les réflexes de l’observation et ses modalités convenues. Sa vision, d’abord globale, saisit la présence d’éléments que généralement le regard tend à occulter.
Le choix du détail, parfois anodin, ne vise pas à procéder par synecdoque, à évoquer l’essentiel par l’accessoire, ni à proposer un puzzle ou un rébus, mais relève d’un réalisme absolu. Ceci exige de remettre en place une vision réceptive, ouverte, non sélective, qui donne au fragmentaire, au circonstanciel, au périphérique une importance aussi grande qu’à l’objet ou à l’image qu’a priori on pouvait juger primordiaux.
Ce souci d’objectivité l’amène alors à donner la préséance à ce qui vient perturber un cadrage, occulter la pureté d’une image, à ce qui vient faire écran et qui devient alors le véritable objet esthétique.
Ainsi, lorsqu’elle est invitée en résidence dans un des centres mondiaux de l’archéologie préhistorique, aux Eyzies-de-Tayac, elle s’intéresse aux petits sacs de plastique dans lesquels les archéologues conservent leurs trouvailles et c’est au travers de la translucidité trouble qui capte tous les reflets de la lumière qu’elle dessine les lames de silex. (L’enveloppe d’un instant. 2014).
Ce travail trouvera son prolongement logique avec la série des huiles sur toile intitulée : Lumière (3m2 de lumière Musée de La Roche-Sur-Yon. 2017), dans laquelle l’artiste s’attache à peindre les taches de lumière et les reflets mouvants qui viennent occulter la vue des images lorsque lampes ou soleil se projettent sur elles.
Avec l’impressionnisme et le pointillisme, la lumière était devenue un élément consubstantiel de la peinture. Désormais elle n’est plus l’élément qui contribue à composer le paysage, elle se substitue à lui. Le paysage ou le portrait disparaissent devant l’événement circonstanciel, devant le sujet incident.
Quant au titre de la série de dessins exposés aux Eyzies, il est révélateur de la situation spatio-temporelle que l’artiste entend apporter à son travail : En prenant comme sujet des objets relevant de l’histoire de l’art, que ce soit des objets archéologiques, des peintures, des sculptures, des eaux fortes ou des cartes postales anciennes, et en les reproduisant dans leur contexte actuel, Hong fait cohabiter deux temporalités, l’héritage et l’instant. C’est ce qui se passe également lorsqu’elle saisit sur la toile la silhouette de visiteurs qui passent devant les tableaux d’un musée (Dans le musée 2008).
Le fait de ne pas focaliser sur un objet, mais de découper sans regard hiérarchique une portion de l’espace, l’amène à travailler par séries. Un tableau se présente donc rarement seul. Il est associé à d’autres éléments qui forment un ensemble, lui même souvent intégré à des dessins muraux.
Le plus souvent, ses expositions s’apparentent à des mises en situation. Elle compose ses expositions comme l’on construit une installation, en tenant compte du caractère et de la nature spécifique du lieu auquel elle emprunte des images. Lorsqu’elle procède à un accrochage, des détails décoratifs ou architectoniques de l’édifice qui accueille l’exposition sont reproduits à même le mur sur lequel les œuvres vont venir prendre place, créant une mise en abîme et une nouvelle composition complexe qui inclut le lieu et sa représentation.
Il arrive même, comme ce sera le cas au musée des Beaux-Arts de Dijon (D’un salon à l’autre 2015) que le trompe-l’œil aille jusqu’à proposer une image des tableaux du musée comme saisis de trois quart par le regard du visiteur.
Dans cette conception stratigraphique ouverte, des fragments de l’histoire revivifiés remontent à la surface et viennent affleurer dans le présent immédiat. Ainsi sont associées les réminiscences du passé, les œuvres qui en sont issues, la vision de l’artiste et celle du visiteur dont la présence vivante et mobile fait partie intégrante de l’installation picturale.
Hubert Besacier, 2017
Hubert Besacier
Tel. : 0033 616779767
contactzhuhong@gmail.com
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