Installation, caoutchouc et techniques mixte
« […] Dans l’hôpital désaffecté, vingt-cinq grandes croix noires en caoutchouc souple, de tailles croissantes et suspendues par des cordes (Chromosome XXV, 2010), envahissent un couloir condamné, étroit et sombre. Cette représentation antirationnelle d’un microcosme génétique ne correspondant à celui d’aucun être vivant répertorié —« l’homme a vingt-trois paires de chromosomes, le chimpanzé vingt-quatre, ici, il y en a vingt-cinq » (2)— et parasitant la réalité de ce lieu autrefois aseptisé, manque à l’exigence d’exactitude scientifique. Sonnant comme celui d’un mauvais film de science-fiction ou d’horreur,son titre renvoie à la chanson « Chromosome Y » de Bérurier Noir, acteur majeur d’une scène punk par laquelle l’artiste a été bercé. Issu, comme Jean Bonichon, de la première génération totalement synthétique; qui n’a grandi qu’avec les poulets aux hormones et le lait chimique, immunisée naturellement, celle des premiers mutants (3), ce groupe s’impliquait à dénoncer dans une noirceur festive, entre autres, les critères sociaux de définition de la déviance, la violence de l’enfermement et de l’aliénation psychiatriques — Nous sommes à l’heure des fanatiques/ Folie oppression scientifique (4)—, et surtout, l’absurdité camouflée dans le monde. La traversée semblant interminable de l’installation impose l’inconfort de distorsions corporelles, accompagné d’un effet oppressif et angoissant favorisant le surgissement de pensées sur la maladie et la mort inhérentes au lieu, faisant elles-mêmes[pleuvoir] des images comme de la boue glacée (5). Claustrophobie, perte de repères sensoriels, situation de lutte…, les états que Bonichon fait éprouver, ou qu’il se montre en train d’éprouver dans des performances ou vidéos généralement pénibles pour le spectateur empathique, ont en commun une certaine violence. […] »
2) Propos de l’artiste / (3) Eudeline, Patrick, L’aventure punk, ed. Grasset, Paris, 2004 / (4) Berurier Noir, “Porcherie” / (5) Bérurier Noir, “SOS”
Extrait du texte « Jean Bonichon, Maudite gravité » de Mélina Burki, Août 2011