En résidence aux jardins de La Manufacture, la proposition de Élise Hallab s’inscrit en regard du travail de Tiphaine Hameau, concernant le rangement des déchets organiques et l’organisation des espaces, le dessin du jardin et parfois la géométrie ; mais aussi par l’aspect patrimonial du jardin et de recherches autour du lin morlaisien.
En effet, sa démarche artistique consiste, en arpentant le paysage, à glaner au gré des saisons feuilles, fleurs, fruits, écorces, matériaux utilisés pour la fabrication des couleurs. À partir de ses récoltes, le jus coloré obtenu est travaillé pour être utilisé comme encre de sérigraphie ou comme bain de teinture.
COMPOSER, CUEILLIR, LIRE
Le point de départ est le « dessin » de Tiphaine Hameau pour réaliser une composition colorée. C’est une lecture de La Mosaïque des tas.
COMPOSER
Des tas de matières végétales sont déposés à l’entrée du jardin sur une dalle en béton. Des racines, rhizomes, tiges et bulbes de plantes du jardin y sont rangées soigneusement. L’échelle du corps, l’envergure des bras et la taille des déchets végétaux déterminent la forme et la dimension de chaque tas. Le tout dessine La Mosaïque des tas. Elle vit au fil des saisons : ses couleurs changent, la matière se transforme.
CUEILLIR
Dans le jardin, à partir des plantes qui constituent La Mosaïque des tas, un atelier de couleurs s’installe au jardin même, un nuancier végétal se développe, les couleurs teignent des tissus déposés à côté des plantes à l’origine des teintures.
LIRE
On pourrait se dire
lire dans un jardin,
lire le jardin,
la lecture de paysage,
lire une partition colorée
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Après des études d’art entre Brest, Nantes et Bruxelles, Élise Hallab explore les potentialités des encres naturelles à partir de cueillettes de végétaux. L’exposition RIAD en 2021 présente les prémices d’un projet de livre d’artiste sur le lin : Lin, Ligne, Line, Linen, faisant écho à la riche histoire du lin à Morlaix. En 2022, toujours avec Les Moyens du Bord, ce projet se poursuit aux Jardins Solidaires de Morlaix en faisant pousser des plantes tinctoriales*** et du lin dans les parcelles collectives.
Établie à Nantes, Élise a plusieurs fois déplacé son atelier de couleurs : le long du canal de Nantes à Brest lors d’une résidence avec la Missive, puis dans le quartier de la Bottière Pin Sec à Nantes avec Two Points, et beaucoup plus loin, à Madrid, lors d’une résidence à la Casa De Velàsquez, où elle découvre les parcs et jardins historiques de la ville ainsi que ses jardins partagés. Son travail a été montré également à Lisbonne, à Varsovie, à la Maison des Arts de Saint-Herblain, à la Maison de l’Architecture et à l’Atelier, Ville de Nantes dans le cadre d’une exposition dédiée aux lauréat-e-s du Prix des Arts Visuels qu’elle obtient en 2022.
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Les Jardins de La Manufacture ou les jardins méconnus de l’emblématique Manufacture des Tabacs de Morlaix. Cachés derrière la vaste citadelle manufacturière, cachés sous La Voie d’accès au port, dont ils sont séparés par un imposant et long mur d’enceinte, autrefois mis à la disposition exclusive du directeur et des cadres, ces jardins ont tous les attributs du lieu tenu secret qui sommeille tel un trésor. Il faut les chercher, trouver leur unique grille d’entrée, espérer qu’elle soit ouverte, puis se laisser porter par le charme propre à tout endroit dont l’existence était jusque-là insoupçonnée. En majeure partie propriété de Morlaix Communauté, ces jardins éclosent à nouveau après un long sommeil et se révèlent, comme jamais peut-être, à la vie du quartier, tantôt par des visites guidées ou libres, tantôt par des événements culturels ou des résidences d’artistes.
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Artiste jardinier, autodidacte, Tiphaine Hameau conçoit et réalise des jardins sans dessin ni maquette, mais comme un jardinier fait son jardin, comme un artiste produit une œuvre dans son atelier. Tel un artiste en résidence, il occupe l’espace avec les sens en éveil et le corps à l’ouvrage, chaque réalisation met en scène l’existant végétal quel qu’il soit et les déchets que génère l’activité de jardinage.
Dans les Jardins de La Manufacture au foisonnement végétal généreux il s’emploie au rangement méthodique et fertile de tout ce qui est coupé, fauché, arraché, au point de déclarer que « Rien ne sort, tout se transforme » et même, au fil du temps, d’affirmer que ces anciens jardins de La Manu sont devenus « Les Jardins manufacturés ».