Guillotine

Ariane Yadan

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Ariane Yadan, «Guillotine», photographie : droits réservés.

Guillotine

chêne, acier, coton, dentelle et matériaux divers, 75 x 45 x 40 cm.

Le pas au-delà

par Gilles Lopez

La mort ne réunit pas les amants, elle les sépare doublement :    plus personne pour se souvenir de l’autre qui reste, plus personne pour rien éprouver. Les figures pourtant, qui se sont résorbées dans un fond de néant, connaissent un destin similaire, commun. Le lit-guillotine et les cercueils dessinent les contours d’un être-pour-la-mort spécifique au couple, presque apaisant, au regard de la cruauté du bronze “Chéri(e) Je t’aime” (voir page 11).

Un horizon de non-être, qui serait capable de créer un lien plus puissant que ceux que les vivants parviennent à nouer entre eux, et qui appelle la présence d’un tiers – témoin de leur absence commune. Dieu était pour les chrétiens l’englobant, l’amant jaloux qui ravissait les âmes, le voyeur infini. La place que sa disparition aura laissée vacante (l’au-delà transcendant), les couples peuvent l’occuper en se projetant dans un futur vide d’eux-même, cadré serré.

Et contempler leur moule nuptial déserté… Le lit-guillotine, promesse et menace à la fois, invite le spectateur au repos, à la chaleur partagée. Surplombant la métaphore rassurante, une lame oblique en conditionne l’accès, exige son tribu de sang. Si la blancheur est transitoire, et la pureté un leurre, la communauté de destin est bien une réalité.

L’objet, du fait de ses dimensions, de sa finition impeccable, évoque les chefs-d’oeuvres des compagnons. Il s’y apparente également par l’abnégation que l’institution exige de ses membres, par un dépassement de l’individualité qui est une forme de mort symbolique.

Le premier des cercueils accolés présente les mêmes caractéristiques formelles que le litguillotine, la même recherche de perfection. Il se situe dans l’après-coup : les os et les cendres qu’ils contiennent ne sont plus identifiables. Les restes de deux corps, probablement mélangés, sont visibles par les couvercles soulevés. Une ouverture, à nouveau, a été pratiquée pour faire comm uniquer les deux cercueils. On peut croire Blanchot et Holderlin, lorsqu’ils écrivent :

“Dans la nuit qui vient, que ceux qui ont été unis et qui s’effacent, ne ressentent pas cet effacement comme une blessure qu’ils se feraient l’un à l’autre.”

“Oui, ce serait magnifique, si dans la flamme de la tombe ainsi bras dessus bras dessous au lieu d’un solitaire un couple en fête allait à la fin du jour…”