La chose et son objet, 2012

Vincent Mauger

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Vincent Mauger, «La chose et son objet», 2012, photographie : V.M.
Vincent Mauger, «La chose et son objet», 2012, photographie : V.M.
Vincent Mauger, «La chose et son objet», 2012, photographie : V.M.
Vincent Mauger, «La chose et son objet», 2012, photographie : V.M.
Vincent Mauger, «La chose et son objet», 2012, photographie : V.M.
Vincent Mauger, «La chose et son objet», 2012, photographie : V.M.
Vincent Mauger, «La chose et son objet», 2012, photographie : V.M.
Vincent Mauger, «La chose et son objet», 2012, photographie : V.M.

La chose et son objet, 2012

caisses plastiques découpées et assemblées, fragments au sol, dessin ACB / Scène Nationale de Bar le Duc commissariat Jean Deloche

Entretien avec Jean Deloche (commissaire de l’exposition et directeur de l’Abc scène nationale de Bar le Duc)

J.D. : Vous réalisez différents types de pièces : celles qui s’emparent d’un espace et le redessinent entièrement (assemblage de bois dans la cour du Lieu Unique par exemple). Celles comme ici à Bar le Duc dont le volume ou la masse semble s’imposer, surgir dans un espace neutre. Cela procède-t-il de la même démarche ?

V.M. : Ma démarche s’articule autour d’une problématique centrée sur la recherche de matérialisation, de concrétisation de ce que serait un espace mental. J’entends par espace mental aussi bien la construction de pensées qui s’échafaudent face à un espace ou un lieu, que les univers virtuels et constructions mathématiques ou schématiques élaborés pour que chacun puisse se projeter dans un espace inexistant ou éloigné.

V.M. : Je confronte souvent un espace réel, le lieu d’exposition, avec une représentation d’une perception mentale d’un autre espace. J’aime jouer sur ce paradoxe qui est de chercher à matérialiser ce que serait un espace mental. A partir de matériaux de construction ordinaires, je reconstruis des représentations de paysage, sorte de paysages mentaux, proches de l’imagerie de synthèse ou de constructions mathématiques et schématiques. Ces différentes propositions peuvent adopter des formes variées suivant le lieu dans lequel elles viennent s’insérer. Elles ne rentrent pas en confrontation avec celui-ci mais s’appuient sur ses caractéristiques pour exister plus fortement dans l’espace. Le choix du type de proposition est donc souvent liée au lieu d’exposition. Dans le cas de ma proposition à Bar le Duc, je considère que le volume sculpté et les différents fragments disposés au sol sont indissociables et composent une forme de composition très graphique investissant l’espace, un dessin dans lequel le public peut circuler et expérimenter les différents points de vue.

J.D. : Casiers à Bouteilles, caisses plastiques, polystyrènes, tubes, vous utilisez volontiers des matériaux non nobles. Les choisissez-vous pour leur matière ou leur capacité à constituer une trame répétitive ?

V.M. : Je choisis des matériaux ou des objets qui ne sont pas considérés habituellement  comme séduisants. Je souhaite que ce ne soit pas la nature même des objets que j’emploie qui rendent la proposition intéressante mais que la façon de les utiliser exacerbe leurs  qualités intrinsèques et semble découler de leur nature. Je choisis donc  d’utiliser des matériaux pour toutes leurs propriétés : structure, matières, spécificités techniques, aspect, coloris, etc…,  car ma proposition nait de cet ensemble de caractéristiques. Elle découle de tous ces paramètres ainsi que de la nature du lieu de monstration.

J.D. : Votre œuvre semble dialoguer avec celle de Richard Deacon. Dialogue du vide et du plein, de la ligne et du volume, utilisation de matériaux bruts. Par contre vous effacez les coutures, avez davantage le sens du minéral que de l’organique ?

V.M. : Je ne considère pas que j’efface les coutures. Je choisis souvent un mode d’assemblage régulier et répétitif  qui reste visible. La répétition des éléments de fixation les fait participer à la trame constituant le volume et leur confère cet aspect discret contrairement par exemple à un collage visible pouvant laisser des coulures irrégulières. Un assemblage par vissage ou boulonnage induit également une lecture différente de la proposition par rapport à un collage qui fixe les objets d’une façon définitive et irréversible. Cette façon d’assembler laisse l’idée de modification possible de l’objet. Il s’agit d’une proposition de composition réalisée à partir d’un système de construction mais la liberté d’imaginer une évolution est laissée au spectateur. L’objet  n’est pas figé. Il est l’illustration d’un principe. Mon travail peut par de nombreux aspects  se rapprocher de l’œuvre de Richard Deacon, mais la logique de construction des sculptures est  différente. R Deacon  met en avant les singularités dues aux assemblages ; il peut déformer le matériau en employant des techniques artisanales ; il met en avant les irrégularités des différentes matières employées. Mon travail tend par contre  souvent à la répétition d’opérations et d’éléments simples visant à créer une trame interne régulière et visible au sein des sculptures ou des installations. Au moment de la réalisation, toutes les questions de constructions ont été évacuées. Il s’agit dès lors d’explorer les  potentialités du système mis en place. En cela mon travail peut également par certains aspects se rapprocher d’un travail minimaliste par l’utilisation d’un système et  de la répétition.  Cette façon de construire un volume met en avant l’analogie qui peut exister entre un système de construction  concret et  un système de conceptualisation du réel  sous une forme schématique. L’aspect interne des sculptures  obtenues découlent de cette logique : leurs organisations fait écho aux univers  scientifiques, mathématiques, virtuels. La forme extérieure des sculptures peut  indistinctement évoquer  des formes organiques, minérales ou biologiques suivant les propositions que je réalise et la personne qui les regarde. Ce sont des formes abstraites, finalement assez proche des tests de Rorchach.