La nuit divague, 2012

François Brunet

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François Brunet, «La nuit divague», 2012, photographie : droits réservés
François Brunet, «La nuit divague», 2012, photographie : droits réservés
François Brunet, «La nuit divague», 2012, photographie : droits réservés
François Brunet, «La nuit divague», 2012, photographie : droits réservés
François Brunet, «La nuit divague», 2012, photographie : droits réservés
François Brunet, «La nuit divague», 2012, photographie : droits réservés
François Brunet, «La nuit divague», 2012, photographie : droits réservés

La nuit divague, 2012

LA NUIT DIVAGUE
Entrecroiser des champs avec une rage nécessaire pour tronquer dans nos habitudes visuelles, tel pourrait paraître l’un des objectifs de François Brunet. Le travail de modification des formes qui passe de la main à la machine pour revenir à la main relève d’une morale du plaisir qu’il me plaît ici de saluer : le manque d’assise est une qualité pour qui compose, décompose, recolle, décolle, « décolère» l’objet, recompose un paysage, invente une ligne de flottaison, en détruit une autre, laisse faire, repartage, redessine.
La photographie, l’ordinateur portent témoignages de dissemblances recherchées, aujourd’hui le dessin, la peinture accompagnent ces déplacements opérés dans des territoires improbables. Tout ici se détache et se projette, mystérieusement une forme change de taille, un trait se précipite vers une abstraction involontaire, le pinceau efface et révèle à la fois, la nuit divague, échappe au flou, bombarde.
Les fièvres noires qui coulent dans les veines des oeuvres sur papier de FB transportent un peuple de fausses notes, architectures dissonantes que la peinture souligne de façon frontale et vénéneuse. L’hybride, ici, laisse courir les vents contraires. A l’envers noir d’une peau griffée par des fouets qui ne connaissent pas l’économie… Et se moquent des tentatives harmonieuses. Le champ réservé à la vision ressemble à ces couleurs rôdant dans les ombres et saisissant d’incessants battements. Le tableau parfois ressemble à un camp ravagé. Un personnage semble avoir été coulé dans ses partages géologiques.
François Brunet reconnaît dans l’emploi du stylo-bille sa capacité à fragiliser les formules apprises, le papier peut se trouver maltraité, la forme qui se mettait lentement en place soudain contrariée, un carré frôle ou fuit ses angles. Quand ailleurs l’agrandissement est utilisé, on retrouve ce désir d’écart. La machine( le scanner) certes décide mais ce qu’ajoute ou retranche FB permet vigoureusement d’affirmer le déséquilibre. Faire de l’hésitation sa force, c’est aussi une histoire de morale.
Je reviens aux dessins, comme s’ils voulaient me livrer des confidences. La saturation les fait passer du noir au cuivre, au feu. Des objets apparaissent nés des mouvements nerveux qui ont pris possession de la feuille. « Jusqu’au dernier moment, tout peut arriver », me confiera FB.
Je songe à une guerre. La réduction en bouillie d’un décor. L’objet n’a jamais été aussi entamé, entaillé. Le tableau à son tour est le fruit émancipé de ces combats et critiques.
Chaque oeuvre contient les accents d’un désordre intime. Je commence peut-être à mesurer ce que cachent ces incendies, cet univers « tronqué », comment l’histoire se trouve pulvérisée, me revient un titre « Passé Présent Futur », comme si les images, lorsqu’elles rencontrent le corps, décrivaient des mouvements inapaisés. Comme si la couleur ne pouvait surgir que dans un arrachement. Je comprends la violence au travail, que je n’avais pas repérée d’emblée, le matin derrière des barbelés on enterre des signes. A la mesure d’une étendue de nuit. Une nuit inquiète.
Pierre Giquel, mai 2012