L’ordre et sa forme, 2012

Vincent Mauger

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Vincent Mauger, «L’ordre et sa forme», 2012, photographie : Olivier Moritz
Vincent Mauger, «L’ordre et sa forme», 2012, photographie : Olivier Moritz
Vincent Mauger, «L’ordre et sa forme», 2012, photographie : Olivier Moritz
Vincent Mauger, «L’ordre et sa forme», 2012, photographie : Olivier Moritz
Vincent Mauger, «L’ordre et sa forme», 2012, photographie : Olivier Moritz
Vincent Mauger, «L’ordre et sa forme», 2012, photographie : Olivier Moritz
Vincent Mauger, «L’ordre et sa forme», 2012, photographie : Olivier Moritz
Vincent Mauger, «L’ordre et sa forme», 2012, photographie : Olivier Moritz
Vincent Mauger, «L’ordre et sa forme», 2012, photographie : Olivier Moritz
Vincent Mauger, «L’ordre et sa forme», 2012, photographie : Olivier Moritz
Vincent Mauger, «L’ordre et sa forme», 2012, photographie : Olivier Moritz
Vincent Mauger, «L’ordre et sa forme», 2012, photographie : Olivier Moritz

L’ordre et sa forme, 2012

Prix Maif pour la sculpture

Sculpture en bronze réalisée dans le cadre du Prif Maif / édition 2012

Tirages réalisés par la Fonderie Rosini

Éditée en deux exemplaires, un pour l’artiste, l’autre pour la MAIF, la sculpture lauréate est ensuite destinée à être exposée dans des lieux ouverts au public, accessibles à tous. En distinguant un artiste émergent, ce prix encourage l’art contemporain et renouvelle le regard porté sur le bronze.

les membres du jury :
Roger Belot, Marie-Anne Ben-Maïz,
Jean-Christophe Castelain, Stéphane Corréard,
Béatrice Josse, Françoise Pétrovitch,
Bénédicte Ramade.

Les recherches en sculpture de Vincent Mauger questionnent constamment le savoir-faire. Dans son travail en volume, il aime interroger ce rapport au geste et à la technique, et accorde une grande importance à la façon dont un volume ou une image est produit. Le processus de conception et de réalisation fait partie intégrante de la proposition artistique et doit constituer une source de réflexion pour le concepteur comme pour le spectateur.
Ainsi, L’Ordre et sa forme, un volume ovoïde, évoque l’univers des minéraux aussi bien qu’un univers organique alvéolaire, créant un apparent contraste entre une organisation interne qui semble très structurée en opposition avec son apparence extérieure.

Brique, parpaing, aluminium, acier, inox, PVC, bois mélaminé, contreplaqué ; tels sont les matériaux récurrents dans les œuvres de Vincent Mauger. Pour les grandes installations qu’il réalise in situ, comme pour des sculptures autonomes, il se sert de matériaux dits pauvres, généralement utilisés dans les domaines de la construction, l’architecture, l’urbanisme. La plupart de ces œuvres sont produites selon des processus d’assemblage, de construction et d’addition de modules répétitifs.

Il réalise ainsi des environnements spectaculaires, tels que Super Asymmetry en 2012 (La Maréchalerie, Versailles), soit le rehaussement de toute la surface du sol du centre d’art d’une hauteur de 120 cm au moyen de plusieurs centaines de briques alvéolées, faisant apparaître une composition tramée faite d’étendues, de dénivellations et de précipices ; l’ensemble pouvait évoquer l’image d’un fragment d’un paysage désertique modélisé en 3 dimensions.

Particulièrement intéressé par les contrastes et les troubles que peut produire l’association de techniques rudimentaires et un certain « esprit » 3D (mieux vaut parler d’ « esprit » plutôt que d’« aspect » puisqu’il ne s’agit pas de faire illusion), Vincent Mauger réalise également des sculptures aux dimensions plus modestes, élaborées selon des principes de construction rigoureusement définis à l’avance et dont les formes, souvent ovoïdes, sont dessinées par l’accumulation de fragments identiques. Il a ainsi construit Le théorème des dictateurs (2009) qui pourrait s’apparenter à un énorme oursin : du cœur en acier partent d’impressionnants pics de bois taillés manuellement mais espacés de manière régulière de sorte que le contour de la pièce (qui mesure 5 mètres de diamètre) semble former une sphère parfaite.

A l’occasion du prix Maif, Vincent Mauger a inversé certaines règles présentes dans la plupart de ses œuvres antérieures. Car le bronze est ici utilisé comme une masse dont est extraite une certaine quantité de matière. La forme originelle est une sorte d’hybride, entre le galet et la pomme de terre : « il s’agit presque du degré zéro de la sculpture, la première forme que l’on obtient quand on manipule de la terre entre ses mains ». Contrairement à son apparence extérieure, l’organisation interne est très structurée : des cavités hexagonales de taille identique traversent le volume, formant à sa surface le dessin d’une grille d’un jeu de stratégie dont certaines cases seraient occupées ou non. On est donc face à une trame virtuellement (conceptuellement) régulière mais qui nous semble aléatoire ; comme si la partie était suspendue, ou en attente du prochain coup.

Dans l’histoire de l’art, rares sont les œuvres en bronze non figuratives. Généralement prisé pour la qualité du détail, pour la précision et la minutie du rendu, cet alliage résistant a été abondamment exploité dans le but de sublimer et de figer (si possible pour l’éternité) le sujet représenté. Il est aujourd’hui souvent employé par les artistes pour ses potentialités hyper-réalistes.

Adepte du jeu (selon toutes ses acceptions), Vincent Mauger prend ici discrètement le contre-pied de ces usages. Ni monument ni objet, ce curieux volume percé semble hors du temps, savant mais mutique, lesté de toute fonction et de toute velléité signifiante. En attente de. Mais peut-être pas.

Elisabeth Wetterwald

Historienne et critique d’art