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Rencontre
Fanette Baresch, Neige Sinno, autrice
ZAD de Notre-Dame-des-Landes, Vigneux de Bretagne
06.06.25
19h
Organisé par l’Ambazada et la bibliothèque Le Taslu
L’inceste, un sujet dont il est aussi difficile de parler que de ne pas parler
Neige Sinno :
« Je sais que mon expérience ne peut représenter toutes celles et ceux qui sont passés par l’enfer des abus, mais je vais essayer de faire mon possible pour porter la parole, pour faire en sorte qu’elle circule, pour faire justice à ce “nous” que j’ose employer à la fin du livre au lieu du “je” du début. Et ça, cette petite brèche dans la chape de silence, où on me propose de m’engouffrer en faisant exister mon livre, ça me remplit de joie.
Car à moi aussi, au fond, ce qui me semble le plus intéressant est ce qui se passe dans la tête du bourreau. Les victimes, c’est facile, on peut tous se mettre à leur place. C’est toujours grand ouvert chez un enfant. Un enfant ne peut pas ouvrir ou fermer la porte du consentement. II n’atteint pas cette poignée. Elle n’est simplement pas à sa portée.
C’est la question du système du patriarcat qui rend possible, qui a besoin de la domination des opprimés en général, c’est ce que je suis en train de comprendre. Ce que j’entends dans le discours sur l’oppression me renvoie à ma propre expérience. J’aspire à exposer ce que je vis. Qu’est-ce qui rend possible qu’une personne ait accès à la domination totale d’une autre personne, sans qu’elle se questionne elle-même, sans que la victime se questionne, sans que personne ne voie rien, et que cela arrive à des milliers de personnes. II s’agit bien d’un système ».
Fanette Baresch :
« Je me suis construite avec l’inceste. Et sans le savoir, l’inceste a colonisé chaque partie de mon corps et de mon esprit. Et sans en avoir conscience, j’ai lutté pour me souvenir. Chaque geste, chaque mot était un indice. J’ai déroulé le fil, je ne savais pas ce que j’allais trouver, je ne pensais pas que je cherchais quelque chose.
De processus gestuels en transformation, la matière se mue, se métamorphose. Elle exprime ce que le corps a imprimé de façon indélébile : la contrainte, les stigmates. Dans la série de pièces «Cocons», j’ai enfermé un matelas, des draps et des oreillers dans des structures en cordes. Le cocon renvoie à la fois à l’enveloppe protectrice et au corps oppressé.
La mémoire traumatique, enkystée, coagulée et opaque se manifeste par les strates en cire dans les pièces «Amputation», «Hémorragie», «Palpitations» et «Onde mnésique». Lorsque j’intègre les archives photographiques familiales dans mes dessins et collages, le traumatisme se dévoile à travers les strates qui se déchirent et se délitent donnant une présence au langage de la disparition et du silence.
L’expérience artistique a permis de reconnecter mon corps à l’émotion. Après ma sortie d’amnésie en 2021, les processus de réactivation de ma mémoire ont laissé place à des processus de réparation. A partir de photographies de mon enfance, je crée des tableaux en céramique morcelés. A travers eux, j’interroge la place des enfants dans les familles et dans notre société et les rapports de domination dont ils sont
victimes ».
Visuel réalisé par Célina Guiné
Adresse
ZAD de Notre-Dame-des-Landes
Parking le long de la route des Fosses Noires
44360 Vigneux de Bretagne