Artistes

Charlène Guyon-Mathé : vit et travaille à Nantes et Paris.

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Dans le silence, un noyau

Dans le silence, un noyau, 2022Galerie RDV, Nantes

Le jardin soupiré

Le jardin soupiré, 2019Galerie RDV, Nantes

Expositions personnelles

2023

  • «D'un ventre méconnu», dans le cadre du WEFRAC, sur une invitation du Frac des Pays de la Loire, Médiathèque de Thouaré-sur-Loire

2022

  • «Dans le silence, un noyau», Galerie RDV, Nantes

2021

  • «Plaisir d'offrir», dans le cadre de WAVE, Aerobic Galerie, Nantes

2019

  • «Le jardin soupiré», Galerie RDV, Nantes

Expositions collectives

2023

  • «de tout bois», dans le cadre de WAVE, les Ateliers de la Ville en Bois, Nantes
  • «La nuit a mordu le réel », en duo avec Rémy Drouard, exposition des Lauréats du Prix Spécial du Jury de la Ville de Nantes, à l'Ateliers Alain Le Bras, dans le cadre du Voyage à Nantes

2021

  • «Cool Club», à l'Hotel Pasteur, Rennes
  • «Traversées», dans le cadre de WAVE, les Ateliers de la Ville en Bois, Nantes

2020

  • «Paradis Amer », curation et participation, Les Ateliers de la Ville en Bois, Nantes

Résidences

2021

  • «Résidence d'accompagnement Les Factotum», Millefeuilles, Nantes

Bourses, prix, aides

2022

  • Prix Spécial du Jury de la Ville de Nantes

2020

  • Aide au projet de création Arts Visuels, Région des Pays de la Loire.

Workshops, enseignement

2023

  • Ateliers de pratique artistique entremêlant modelage, textile et dessin dans les Médiathèques de Thouaré-sur-Loire et Mauves sur Loire dans le cadre des WEFRAC, sur une invitation du Frac des Pays de la Loire
  • Artiste intervenante "Volume et sculpture" au Lycée Notre Dame de Challans

2022-2023

  • Ateliers tissages et taille directe suivis d'une exposition, au Lycée Honoré d’Estienne d’Orves, à Carquefou, sur une invitation du FRAC des Pays de la Loire.

2022

  • Ateliers collages, sur une invitation du FRAC des Pays de la Loire, ESEAN, CHU Nantes et CHU Angers.

2021

  • Initiation au tissage, Les Ateliers de la Ville en Bois
  • Initiation à la pratique du tissage collectif, Festival Xylopolis, Les Ateliers de la Ville en Bois

Écoles, formations

2016

  • Diplôme National Supérieur d'Expression Plastique, Ecole Supérieure des Beaux-Arts d'Angers - TALM

Entretien dans le cadre de l'exposition D'un ventre méconnu

Votre travail abonde de représentations symboliques et autres expressions de l’inconscient. D’où vient cette appétence pour ce que l’on peine à définir et quelles sont vos inspirations ?

Dès l’enfance, j’ai développé un fort intérêt pour l’onirisme et la magie. J’avais ce désir de prouver qu’il était possible de créer un pont entre le rêve et la réalité. Il m’est plusieurs fois arrivé d’utiliser l’écriture en rêve pour témoigner d’une forme de présence consciente. C’est aussi un moyen de parler de mon enfance que j’ai en partie oubliée et qui est liée à la disparition de ma mère, d’où notamment, mon attrait pour l’inexplicable et l’impalpable.

Mes inspirations découlent de cette quête, elles sont diverses. Je suis aussi bien influencée par le mouvement Surréaliste avec des artistes comme René Magritte ou André Breton… Des lectures sont aussi venues enrichir ma connaissance du rêve et ses interprétations comme les essais de Sigmund Freud ou Carl Jung mais aussi des clefs des songes. J’ai également de l’attrait pour tout ce qui touche aux symboles à travers les jeux de mots, le tarot ou encore le fantaisiste Codex Seraphinianius de l’artiste et architecte Luigi Serafini, semblable à une encyclopédie de monde imaginaire. Je pense aussi à l’émission atypique Les Raisins Verts créée par Jean-Cristophe Averty qui infuse également dans ma pratique.

 

Le rêve et ses réminiscences irriguent vos œuvres et offre une plongée dans un monde alternatif, imaginaire. Comment ce phénomène psychique intervient dans votre processus créatif ?

Durant mes études à l’École des Beaux-Arts d’Angers, l’orientation de ma pratique
a changé à l’occasion d’un séjour à Dresde où j’ai découvert un rapport plus libre et en phase avec mon idée de la création. Avant, je travaillais le rêve comme un concept. Je partais d’une idée, comme un protocole, choisissant un de mes rêves comme objet d’études et me mettant en tête de réaliser une enquête à posteriori : élaborer des portraits robots, recréer des espaces par l’entremise de plans. Parfois, je me mettais aussi en tête de rêver d’une œuvre que je viendrais ensuite matérialiser dans le réel, utilisant le rêve comme un moyen pour créer. À mon retour en France, le rêve est davantage devenu une source d’inspiration, une matière depuis laquelle extraire des symboles et des impressions. C’est comme si j’opérais désormais le chemin inverse, en puisant depuis le rêve plutôt qu’en cherchant à le contrôler.

Mon processus est donc différent. Il y a davantage d’allers-retours, je fais un rêve que j’écris ensuite dans un carnet qui me permet de revenir à ce rêve quand je le souhaite. Il s’agit d’une compilation d’inspirations dans laquelle je me plonge lorsque je souhaite exprimer une idée, une sensation. Ces écrits font office de portails. Il m’arrive aussi de rêver de certaines œuvres que j’ai créées dans le réel, comme un retour à la matrice.

 

Vous avez été invitée à concevoir une exposition dans l’espace de la Morvandière à Thouaré-sur-Loire. Comment envisagez-vous ce nouveau projet ?

Pour ce projet, il s’agit de diffuser mon travail et non de produire une nouvelle pièce, je l’ai donc abordé comme un moyen de repenser ma pratique et d’en proposer une nouvelle lecture par les prismes de l’identité, du secret et des vérités. À travers l’accrochage, je souhaite plonger le public dans un espace imaginaire composé de strates et de révélations. Cette installation joue sur une traduction littérale du voile notamment à travers des expressions de langage telles que « se voiler la face » ou « lever le voile » qui sont liées à cette rhétorique du mensonge et de la vérité.

 

Il s’agit d’un lieu vitrine dans lequel les visiteureurs·ses n’entrent pas, contrairement à certaines de vos installations plus immersives qui nous transposent dans une chambre à coucher ou autour d’une table. Comment avez-vous appréhendé cette composante ?

J’appréhende cet espace comme s’il avait été mis sous cloche, il m’évoque aussi l’idée de décor ou de cabinet de curiosité. Dans ma dernière exposition, je brouillais les pistes et les repères spatiaux par l’usage de voilages, donnant cette impression d’espace interdit. Dans le contexte de cette nouvelle exposition, le cadre est posé, il n’y a donc pas de doute sur son accessibilité physique. C’est pourquoi je l’aborde véritablement comme une vitrine, un espace frontal dans lequel j’envisage l’accrochage comme une composition rythmée par des voiles.

 

Les voilages sont en effet très présents dans votre conception de l’espace, ils semblent tracer des frontières floues entre différentes réalités…

Ils me permettent de reconfigurer l’espace et créer des latences, des pauses. Leur usage induit la notion de point de vue puisque les visiteurs·ses font des choix : regarder depuis le rideau, voir au travers ou bien le traverser. C’est une manière de créer une progression dans l’exposition. Je souhaite induire par le regard une balade d’œuvre en œuvre, semblable à une déambulation dans un rêve où notre curiosité serait piquée au vif. Il y a quelque chose de l’ordre du possible et du potentiel qui m’intéresse car, tant que l’œuvre est derrière le rideau, reste en suspens la question de sa présence ou de son absence. Dans ma dernière exposition, j’ai installé deux œuvres seules derrière des voilages en ne laissant qu’une infime ouverture afin de questionner les limites de chacun·e. Ce qui était à la base une indécision personnelle est devenu un parti pris, permettant de créer les réactions de celles et ceux qui oseraient ou non franchir certains espaces. Finalement, leur donner un libre arbitre qui serait analogue à celui d’un ou une rêveur·euse.

 

Votre pratique mêle aussi bien peinture, sculpture, installation. Le tissage occupe également une place prépondérante, avec des techniques empruntées aussi bien à l’artisanat qu’aux nouvelles technologies. (nouvelles technologies vrai pour la broderie mais pas vraiment pour le tissage…) Ce médium agit à la manière d’un fil conducteur dans votre pratique ?

Le tissage m’est apparu comme une technique qui permettait d’ancrer le rêve dans la réalité. À travers l’idée du rituel de la maille, j’aime l’idée de faire apparaître une œuvre picturale en créant de la matière. Au début, dans un tissage, il n’y a que les fils de chaîne, ce qui donne une certaine conscience de l’absence et du vide à partir duquel l’œuvre se construit. C’est l’entrelacement des fils qui crée l’image de toutes pièces. Le médium est à la fois la surface mais aussi le support. Le tissu nait des pelotes de fils, on s’en pare pour se protéger, pour dormir. Au sein de mes installations, le tissu oscille entre la layette qui évoque la naissance et le linceul qui symbolise quant à lui la mort. Dans ma pratique, j’ai toujours aimé jouer sur l’ambivalence du fond et de la forme, exprimer par le mou, le coloré et l’a priori léger, une certaine violence ; et cela s’est fait de manière très inconsciente à mes débuts..

 

L’œuvre Symbole de soi a été pensée comme un point de départ pour cette exposition. Elle serait inspirée d’un rêve dans lequel vous apprenez être née araignée. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette œuvre et sur la symbolique que cet animal revêt ?

Cette œuvre questionne plus largement la perception qu’on peut avoir de soi-même. Ce qui m’intrigue dans le rêve, c’est qu’on puisse être absolument tout : un vieil homme, une pierre ou née araignée, sans que cela pose vraiment de question ou paraisse absurde. La vie de rêve en dit beaucoup sur soi-même sans trop en révéler, puisqu’une grande part est déguisée et symbolique même si, parfois, certaines connexions semblent évidentes à faire. Ce qui me plait dans le fait de produire des œuvres c’est aussi les multiples façons dont elles peuvent être perçues. C’est pourquoi j’aime observer la réaction du public devant mes œuvres car chacun·e lit, comprend, interprète à travers son propre prisme, en mettant parfois le doigt sur quelque chose que je n’avais moi-même pas réalisé.

Mon rapport à mon travail est très intérieur. Il y a quelque chose de l’ordre de l’intime et je pense que le rêve dont est inspiré Symbole de soi met en lumière le désir d’une révélation. Plus largement, ma motivation est de créer des espaces imaginaires qui peuvent réveiller certaines réminiscences chez celles et ceux qui les parcourent. Et dans ce rêve, c’était intéressant que ça tombe sur l’araignée. Pour Louise Bourgeois, elle représente la mère. J’ai aussi pu lire que, dans le Coran notamment, elle incarne la fragilité tandis que dans d’autres sources, elle serait le symbole d’une réalité illusoire. De manière plus littérale, l’araignée c’est aussi celle qui tisse, comme moi.

 

Comment est venu ce choix de titre D’un ventre méconnu? Plus largement, l’usage de mots parait intrinsèque à votre processus de création, le langage agit comme une couche de lecture supplémentaire ?

Ce titre m’a été inspiré par le lieu. J’ai d’abord pensé à une cabine, un cocon. L’espace de la vitrine, par sa forme ovale, reflète aussi l’idée d’un univers à part et rassurant qui m’évoque un ventre. Le ventre fait appel à la notion de transformation mais aussi à celle d’origine et donc d’identité. Il matérialise une protection à double tranchant à cause des non-dits et des secrets qui peuvent mener à une méconnaissance de soi et de son histoire.

Être artiste visuelle est un moyen de mettre en image ce que je ne vais pas pouvoir exprimer par les mots. Mais penser un titre m’apparait plus simplement car il se doit d’être succint, ce sont quelques mots seulement qui font office de légende cryptée. C’est pourquoi j’apporte du soin à les choisir, ils me permettent de suggérer de nouveaux symboles à une œuvre qui est déjà symbolique. Les mots agissent comme des indices. Quand je cherche une idée de titre, c’est comme si j’écrivais une poésie. Je choisis dans une liste de mots que je vais épuiser jusqu’à trouver la bonne combinaison, en accord avec mon intention première.

Chloé Godefroy, attachée au service des publics du Frac des Pays de la Loire.

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Dans le cadre de l'exposition Dans le silence, un noyau

Si la fortune sourit aux audacieux sous les draps de Morphée,

La rêverie imagée, matelassée et domestiquée ici présentée,

Ce monde intérieur où le corps muet se joue des temporalités,

Où les idiomes et les échelles font basculer le référentiel,

Nous emmène à l’origine de pensées noyées autour de symboles incarnés.

Secrets dévoilés, présages incontrôlés, remue-ménage au dîner.

Silence, ça tourne, entrez dans le noyau protégé,

Laissez-vous doucement tomber dans les bras de Charlène Guyon-Mathé.

Ismaël Martin

Le jardin soupiré
Dans le silence un noyau, exposition personnelle à la Galerie RDV, 2022.