Artistes

Irma Kalt

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Expositions personnelles

2025

  • «Évasions obliques», galerie Modulab, Metz
  • «Traverser les lignes», agence Vuxe, Strasbourg

2021

  • «Plis plissés», galerie Mélanie Rio Fluency, Nantes
  • «Rions noir», médiathèque de Derval

2019

  • «Cahier d'école», espace MIRA, Nantes

2018

  • «... se retire, et ... tombe», galerie Capsule, Biennale Off Rennes, Rennes
  • «Nous poursuivons des songes et nous embrassons des ombres», on view #2, AFoksStudio, Bagnolet
  • «Entre les visages», vitrine SILL, Nantes
  • «Du gris aux gris», vitrine SILL, Nantes

2015

  • «Klass», galerie le 61, Nantes

Expositions collectives

2025

  • «Beauregard Flottant», FRAC Bretagne, quartier Beauregard, Rennes
  • «Échappés d'art», dessin pour un tram de la ville d’Angers
  • «Des ailes pour l'estampe», Centre de la Gravure et de l’Image imprimée de la FWB, La Louvière

2024

  • «Engraving from Europe / résonance des traces», galerie Art salon de H, Séoul /KS
  • «Sonj», féstival art et territoire, 2ème édition, Pays de Landerneau - Daoulas, Finistère
  • «15 ans», galerie Mélanie Rio Fluency, Nantes
  • «Luxembourg Art Week», Art Fair, galerie Modulab, Luxembourg

2023

  • «Perceptions», Repaire Urbain, Artothèque, Angers
  • «Carnet d'artiste 3», École d’Art du Choletais, Cholet
  • «Dessine moi un dessin», galerie Modulab, Metz
  • «Drawing Now», galerie Modulab, Carreaux du Temple, Paris
  • «Luxembourg Art Week», Art Fair, galerie Modulab, Luxembourg
  • «Art-O-Rama», galerie Modulab, La Friche Belle de Mai, Marseille

2022

  • «Irma Kalt & Charles Kalt», Centre d’art contemporain Passages, Troyes
  • «Art Paris», Grand Palais éphémère, galerie Modulab, Paris
  • «Art-O-Rama», galerie Modulab, La Friche Belle de Mai, Marseille
  • «Les étoiles s'éteignent à l'aube», galerie Mélanie Rio Fluency, Nantes

2021

  • «Sortie d'atelier», galerie Mélanie Rio Fluency, Nantes
  • «Y es tu ?», Atelier 29, Chateaubriant

2020

  • «Inter_», l'Atelier, Le Voyage à Nantes, Nantes

2019

  • «Le hasard matériel», FRAC des Pays de la Loire, Abbay St Florent le Vieil
  • «Intransigeantes », galerie Modulab, Metz
  • «Nos doubles», Open School galerie, Beaux-Arts de Nantes
  • «Drawing Now», Carreaudu Temple, galerie Modulab, Paris
  • «MAD», salon des pratiques éditoriales contemporaines, Franciscopolis éditions, Paris
  • «Rendez-vous à St Briac», galerie Capsule, St Briac

2018

  • «Le cœur des collectionneurs ne cesse jamais de battre», l’Atelier, Nantes
  • «Art Delivery #2», Open School galerie, Beaux-Arts de Nantes
  • «Recto / Verso», Bibliothèque Alsatique, Strasbourg
  • «Particules», l’Atelier, Le Voyage à Nantes, Nantes
  • «Luxembourg Art Week», foire d’art contemporain,galerie Modulab, Luxembourg

2017

  • «Collection couques », l'atelier Alain Lebras, Nantes
  • «Les pénates du sen(s) », collectif OPEN IT, Nantes
  • «à 5min près, à 3mm d'écart», ateliers MilleFeuilles, Nantes
  • «NIX», galerie des Beaux-Art, François II, Nantes

2016

  • «Open space», Permis de construire, Nantes
  • «Ici-bas», Treptow Atelier, Berlin, Allemagne
  • «M / C / I», Treptow Atelier, Berlin, Allemagne
  • «Pour un éventuel voyage / Carte de séjour», Art Hall GONG, Séoul, Corée
  • «MAD», salon des pratiques éditoriales contemporaines, Franciscopolis éditions, Paris
  • «Fernet Branca», salon de l’édition, c.k.Éditions, St Louis

2015

  • «Burashi no oto, hanma chinmoku», ateliers MilleFeuilles, Nantes
  • «La règle du jeu», galerie Olivier Meyer, Nantes
  • «Castel #2», ARTinNATURE, collectif Silence Forêt, Busan, Corée
  • «Dash, dash, dash, slash, slash, slash », Dasoyou, Seoul, Corée
  • «Castel #1», Atelier sur l’herbe, collectif Silence Forêt, Nantes
  • «Level note one, two», collectif Case-Open-Close, Hong-Kong
  • «Les caprices», galerie web Les satellites, The second kiss company

2014

  • «CÙN», atelier Alain Lebras, Nantes

2013

  • «Écran total», galerie web Les satellites, The second kiss company

2012

  • «Village», galerie Visual Space, 798 art center, Beijing, Chine

2011

  • «Ailleurs, si j'y suis», galerie Dulcie September, Nantes

2010

  • «Avril à Beijing», Central Academy of Fine Arts, Pékin, Chine
  • «Stock it - Nice nihts by ESBANM», Halle 5 Alstom, ELIA, Nantes
  • «Où l'art s'arrime», La Martinière

Résidences

2023

  • «Fresque», Passages, Centre d’art contemporain, Troyes

2022

  • «Birch», Passages, Centre d’art contemporain, Troyes

2017

  • «BAM! surprise party», Théâtre Universitaire, Nantes

2015

  • «Castel #2», ARTinNATURE, collectif Silence Forêt, Busan, Corée

2013

  • «Room 417», Niman Heminn, Chiang Mai, Thaïlande

2012

  • «Village», galerie «Visual Space», 798 art center, Beijing, Chine

2011

  • «Avril à Beijing», CAFA (Central Academy of Fine Arts), Beijing, Chine

Bourses, prix, aides

2025

  • Lauréate, 1% culturel, Agence Vuxe, Strasbourg

2018

  • Lauréate, Prix des Arts Visuels, ville de Nantes

Collections publiques, acquisitions

  • FRAC des Pays de la Loire
  • FRAC Loraine
  • FRAC Bretagne
  • FRAC / Artothèque, Nouvelle-Aquitaine
  • Artothèque, Strasbourg
  • Artothèque, Angers
  • Artothèque, Nantes
  • Tan, Le Voyage Nantes
  • Centre Pompidou (Bibliothèque Kandinsky)
  • Cdla Saint Yrieix la Perche
  • Centre Pompidou (Bibliothèque Kandinsky)
  • Musée d’art moderne et contemporain Saint- Etienne Métropole (Bibliothèque Jean Laude)
  • Médiathèque André-Malraux, Strasbourg
  • Bibliothèque Alsatique, Crédit Mutuel
  • Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg
  • Médiathèque Puzzle, Thionville
  • Koncret Art Project
  • Workshops, enseignement

    2023

    • Atelier fresque mural, École primaire Jean Jaures, Troyes
    • Atelier papier peint, Lycée , Troyes

    2022

    • Atelier papier peint, Lycée Notre Dame du Roc, La Roche sur Yon
    • Atelier papier peint, Centre d’art contemporain, Troyes

    2021

    • Atelier papier peint, Haute École des Arts du Rhin (HEAR) - Mulhouse
    • Atelier papier peint,École européenne supérieure d’art de Bretagne - Quimper
    • Atelier papier peint,École Nationale Supérieure d’Art et de Design - Nancy
    • Atelier papier peint, CPES-CAAP - Nancy

    2020

    • Workshop "Le papier peint modulaire", École Supérieure d'Art de Lorraine
    • Atelier livre, Derval / Chateaubriant, FRAC des Pays de la Loire

    2019

    • Conférence, "Une introduction aux livres d'artistes", Central Academy of Fine Art, Beijing, Chine

    2018

    • Workshop "Enseignants", sur une invitation du FRAC Pays de la Loire
    • Journée du patrimoine "L'objet livre", sur une invitation du FRAC Pays de la Loire

    2017

    • Workshop "À l'infini", sur une invitation du FRAC Pays de la Loire
    • Workshop "Leporello", sur une invitation du FRAC Pays de la Loire

    Écoles, formations

    2012

    • DNSEP École Supérieure des Beaux-Arts de Nantes Métropole

    2010

    • DNAP École Supérieure des Beaux-Arts de Nantes Métropole

    LESTER LE MOTIF

    Dans sa pratique, Irma Kalt n’en finit pas d’ancrer ses formes, comme pour mieux se les approprier : si son premier mouvement passe par le dessin, elle emprunte ensuite de nombreuses voies (l’impression sur papier ou tissu, la photographie, la vectorialisation puis à nouveau le dessin ou la peinture ou l’impression). Par ce processus de mue complexe, elle décante son motif, et cerne davantage le point de vue ou la focale qui lui convient : comment regardons-nous et à quelle distance ? Sommes-nous très loin ou sommes-nous à l’intérieur ? Entre savoir-faire ancien et technologie contemporaine, ses œuvres témoignent toutes de présences fantômes, de données graphiques ou picturales qui ont été là, qui se sont essentialisées ou ont disparu, mais qui continuent souterrainement de s’exprimer. Pour l’artiste, la beauté fragile des formes ne s’obtient qu’au prix de ce lent processus, au cours duquel le motif se leste de toutes ces strates mémorielles.

     

    Extrait du texte « Cahier d’école » écrit dans le cadre de l’exposition à l’espace MIRA, septembre 2019

    Eva Prouteau

    Irma Kalt, princesse des lignes.

    En 2022, Irma Kalt aura trente-cinq ans. L’année, pour elle, commencera avec une exposition confrontant son œuvre à celui de Charles Kalt au Centre d’art Passages à Troyes où, auparavant, j’aurai réuni avec Arnaud Baudin un colloque international commémorant – avec un retard d’un an dû à la pandémie – le neuvième centenaire de la naissance des Templiers. De grands artistes se sont passionnés pour les coreligionnaires de Jacques de Molay, comme Georges Mathieu, et nombre le font encore. Je doute qu’Irma Kalt soit de ceux-là, même si le temps l’habite et si son œuvre, avec justesse et précision, sait le mettre en scène, en creusant les strates mémorielles de certains motifs au point – plus qu’on l’imagine au premier regard – de parler d’histoire(s). Ma rencontre avec l’artiste nantaise ne s’est pas jouée sur ce terrain-là. Elle s’inscrit pourtant, elle-même, dans le temps. Il y a sept ans, j’acquérais trois collages, réalisés en 2012 et, dans cette démarche de curiosité, je fus accompagné par ce couple d’amis qui sont bien davantage, je l’ai dit lors de mon entrée à l’Académie, à l’occasion de laquelle ils m’ont fait don de la collection complète des Cahiers : eux aussi ont été parmi les premiers acheteurs d’Irma Kalt et ils lui ont commandé, au revers des deux portes de leur appartement, des papiers peints qu’elle a conçus pour le lieu et installés. Je n’ai donc aucun mérite à n’avoir pas perdu l’artiste de vue. De l’atelier Alain Le Bras, en 2014, à l’espace Mira, en 2019, je l’ai suivie avec bonheur. Ses interventions à Nantes et bien au-delà ont été nombreuses. Certaines m’ont échappé et, parlant avec Irma Kalt dans son atelier du quai des Antilles, revenant à ses installations passées sur la base d’archives à faire pâlir l’historien trop peu scrupuleux que je suis, j’ai le regret de n’avoir admiré qu’en photographies Entre les visages, son triptyque pensé initialement pour la galerie « vitrine » Sill, ou Comme ça, cette peinture murale d’architectures réalisée dans une maison ouverte avant travaux du côté de Notre-Dame de Lourdes. Gageons que certains qui me lisez avez été plus attentifs et qu’à la galerie Mélanie Rio Fluency, à la fin du printemps 2021, rendus au contact des œuvres, vous aurez, comme moi, éprouvé un grand plaisir à évoluer dans les Plis plissés d’Irma Kalt.

     

    Point… à la ligne !

    On retrouve dans l’expression le parfum de la salle de classe un matin de dictée. C’est la rentrée… dans l’œuvre d’Irma Kalt qui, lorsqu’elle a investi l’espace Mira à l’automne 2019, a choisi d’appeler l’exposition Cahier d’école. L’artiste sait que la ligne, parmi ses sens si divers, désigne chacun des traits horizontaux marquant certaines feuilles de papier à écrire et, par extension, cette suite de mots donnés à copier à un élève par punition. Comment partir d’ailleurs ? La ligne est partout chez Irma Kalt. Elle l’est depuis toujours ou presque, dans ces carnets, parfaitement soignés, que l’artiste consigne depuis le lycée. Lignés, quadrillés, ils sont pour elle des répertoires de formes, de motifs, d’idées où, malgré la contrainte – et, plutôt, à cause d’elle –, apparaissent déjà dans toute leur variété les médiums utilisés. Vingt ans y ont encore ajouté et aujourd’hui, à côté du dessin au trait et désormais au doigt sur ordinateur, du collage, de la couture ou de la peinture, Irma Kalt recourt à l’estampe, à l’installation, au papier peint, au travail du livre ou à l’impression textile. La ligne, dans la langue courante, est d’abord un trait continu dont l’étendue se réduit pratiquement à sa seule dimension de longueur, mais l’artiste en crée bien d’autres, droites, obliques ou torses, pliées ou dépliées, en écho ou en réseau. Chez elle, comme l’a écrit Vanina Andréani, parlant de son exposition de l’été 2019 à l’abbaye de Saint-Florent-le-Vieil, « la ligne se déploie, chemine, se réinvente sans cesse sous d’infinies déclinaisons à la mesure de ses ressources illimitées ». Avec Plis Plissés, à la galerie Mélanie Rio Fluency, Irma Kalt reste dans la ligne, fidèle à l’orientation qui définit son œuvre et, suivant ce trait imaginaire marquant une direction continue, elle a retrouvé un titre qui fut celui de deux présentations de jeunesse, en 2009-2010, à l’École des Beaux-Arts de Nantes, où elle s’est formée, et dans son atelier en 2012. L’exposition, une nouvelle fois, trace des lignes, elle les tisse du maillage ajouré de bandes entrecroisées aux plis fluides d’une étoffe imprimée de plis. Le contemporain et l’ancien se mêlent, la technique la plus moderne rejoint le savoir-faire ancestral. On se rappelle que linea, en latin, désigne d’abord le fil de lin (linum), le cordon, la ficelle, mais aussi ces fils formant les ouvertures dans les filets, donc par extension le filet lui-même, et c’est par là que le terme en est venu à qualifier le trait, celui de la plume ou du pinceau, de l’écriture ou du dessin, s’attachant ici au visage. La ligne d’Irma Kalt a mille visages, qui tous allient géométrie et poétique, fondant ensemble la rigueur apprise très tôt auprès de son père, graveur, et une dimension sensible irréductible, subjective et vibratoire.

     

    Entre les visages

    L’an dernier, ici-même, travaillant avec Éric Fonteneau autour de ses Figures du monde, j’avais souligné que c’est entre elles qu’il conviait le public de l’exposition des Sables-d’Olonne à évoluer. Dans les notes qu’il écrit depuis toujours, mon confrère a beaucoup insisté sur cette préposition qui crée l’espace, reliant les œuvres et formant un tout. Irma Kalt est au nombre des artistes qui s’inscrivent dans cette ligne. En 2018, elle a intitulé Entre les visages le triptyque peint au pochoir pensé pour la galerie « vitrine » Sill. Dans cet espace dépourvu de profondeur, elle a implanté un paravent divisé par des lignes diagonales passant du noir au gris qui occulte entièrement le fond. « Par ce dispositif, écrit-elle, il s’opère un trouble dans la perception de l’espace derrière le triptyque : il devient impossible de deviner la volumétrie du lieu ». En parlant avec Irma Kalt, j’ai admiré que, trois ans après, elle ait toujours les mesures de l’espace en tête – 60 cm de profondeur pour 150 cm de large et 238 cm de haut – et qu’en entrant dans l’atelier où elle travaille aujourd’hui, elle se soit attachée d’emblée à en calculer les dimensions. Se souvient-elle que la ligne, jadis, était aussi une mesure, d’un douzième de pouce, qu’on continue d’utiliser en horlogerie afin de définir la grandeur des mouvements de montre ? Elle sait en tout cas que la ligne, parmi tous ses sens, est ce trait réel ou imaginaire séparant deux éléments contigus, à l’intersection de deux surfaces. De ce motif infini elle tire quantité d’espaces, ouvrant à des dimensions très riches : opérant d’abord du noir au blanc, son travail, attentif au(x) passage(s), parle de la couleur, que la langue classique opposait à la ligne et, par ses rythmes, il se fait musique, portée avec ses lignes supplémentaires qu’aucune convention ici ne limite à quatre ou cinq. Irma Kalt est dans l’espace. Elle aime à créer in situ, au plus près des murs, comme avec ses papiers peints, mais aussi en décollant son installation du support afin de rendre matière et lumière vibrantes. L’architecture est toujours présente : l’artiste la photographie pour nourrir son répertoire de formes, composant à partir d’éléments de bâtiments, qu’elle revêt souvent de carrelage, des espaces irréels, d’interminables suites de couloirs et de pièces, où tout est dans la perspective et dans les doutes qu’elle laisse à qui regarde. Les plans s’entremêlent et Irma Kalt, fille d’une costumière de théâtre, joue du rideau qu’elle a mis en scène, à l’échelle monumentale, dans une installation présentée à l’École des Beaux-Arts de Nantes, Depuis toujours, comme dans la frise développée tout au long de l’e-Busway qui lui a été confié. Pour l’artiste – elle le dit très bien –, « le pli agrandit les choses, ne les réduit pas, ouvre à la troisième dimension, incite au toucher, invite à passer outre ». Avec Plis plissés, à la galerie Mélanie Rio Fluency, elle crée dans les replis des matériaux des endroits invisibles dont elle nous laisse le devenir et que nous continuons à (dé) construire à travers le regard et l’imagination.

     

    Toutes blessent, la dernière tue

    La contemplation, dans l’œuvre d’Irma Kalt, est importante et c’est par son biais, grâce au déplacement du regard(eur), que le temps dont l’artiste ne cesse de jouer révèle sa pleine mesure. Dans un univers abstrait composé de lignes, de formes, de motifs, les titres des travaux induisent tout à la fois une présence et un récit. L’œuvre sériel se nourrit d’apparitions, de glissements, d’effacements. Créé pour Saint-Florent- le-Vieil, le papier peint intitulé Toutes blessent, la dernière tue, auquel Irma Kalt a conservé son nom latin, Vulnerantomnes, ultimanecat, résonne inévitablement comme un memento mori : le papier a été découpé pour offrir la même suite de triangles effilés semblables aux rayons du soleil, présentés les uns montant, les autres tombant, et ceux-ci ont été peints à l’aérosol noir de façon à réduire la saturation de la couleur vers les pointes, amenant dans le gris, au contact de la cimaise restée blanche, des formes mouvantes et fantomatiques. Sur une échelle de temps plus brève, la série d’estampes Suite au soleil s’inscrit dans ces recherches : le jaune intense du fond, traduisant la sensation d’éblouissement face à la lumière d’été, est traversé de traits discontinus noirs qui présagent l’orage attendu et redouté. Parlant de l’exposition Cahier d’école, Éva Prouteau a justement écrit que « pour Irma Kalt, tout est de passage » : tout est passage même et, « pour l’artiste, la beauté fragile des formes ne s’obtient qu’au prix de ce lent processus, au cours duquel le motif se leste de toutes ces strates mémorielles». Lors d’une conversation, Irma Kalt m’a dit combien elle est habitée par le temps qui passe. Médiéviste, je la rejoins, moins intéressé – à la différence d’autres historiens – par le temps passé que fasciné par le temps qui passe, par le temps en tant qu’il passe, c’est-à-dire par le temps tout court et, aussi, par la mort. Comme elle, je me tiens sous le charme – à la fois enchantement et maléfice – et, parce que l’art nous attache à la vie, j’ai admiré, dans l’atelier de l’artiste, cet ensemble de fines bandes peintes à l’aérosol, où jaune, bleu et rouge se mêlent, qu’elle a le projet d’incliner très progressivement afin de les amener de la verticale à l’horizontale avant de revenir à la position de départ et de réaliser un tour complet qui – selon l’importance du nombre – sera celui des mois ou des jours d’une année.

    Assurément, Irma Kalt est maîtresse des lignes. En tête de ces pages, je me suis plu à l’en dire princesse, jouant du nom du village de Ligne, près de Tournai, associé au souvenir du prince Charles-Joseph, célèbre à la fin du XVIIIe siècle par sa culture, ses talents et ses longs séjours en divers pays d’Europe. Souhaitons à l’artiste, qui elle aussi peut incarner l’esprit et le cosmopolitisme, avec l’Asie notamment, où elle a vécu deux ans, d’atteindre une aussi vaste réputation. Dans l’univers de l’art déjà, elle entre en ligne… de compte. Éva Prouteau l’a dite post- minimaliste et a évoqué à son propos François Morellet. On pourrait penser à un autre François, Rouan, et à d’autres courants comme le cinétisme, le minimalisme voire l’abstraction radicale qui, en 1987, lorsqu’Irma Kalt est née à Strasbourg, triomphait de l’autre côté du Rhin. Des critiques d’art – plus qualifiés que je le suis – le feront sans doute et ce sera vrai. Pour ma part, prenant provisoirement congé d’Irma Kalt, je signalerai simplement pour finir combien, par-delà les mouvements, elle a réinvesti l’abstraction en voie de dématérialisation avec de la légèreté, de la vibration et de l’humour, s’imposant comme une artiste hors ligne, selon cette expression devenue rare que j’affectionne et qui, dans son cas – mieux que dans tout autre –, signifie hors pair.

    Philippe Josserand

    Exporama – Beauregard flottant
    Gravure numérique sur contreplaqué meurisé bleu