Artistes
Lou Villapadierna : vit et travaille à Le Pouliguen.
kol (le film), 2025ZOO CAC, Nantes
ce que dit la bouche d’ombre, 2025Aperto, Fondation Pernod Ricard, Paris
kol, 2025ZOO CAC, Nantes
qu’ai-je oublié pour vouloir autant me souvenir ?, 2025Aperto - Fondation Pernod Ricard, Paris
cordes vocales, 2025Aperto - Fondation Pernod Ricard, Paris
longue langue en béton, 2024jetée circulaire de la plage des Catalans, Marseille
sans titre (la dent et l’huître), 2024à La Chambre, Saint-Nazaire
le son de ta voix, 2024à La Chambre, Saint-Nazaire
face mère, 2024à La Chambre, Saint-Nazaire
nos souffles, 2023à SOMA lieu d'art hybride, Marseille
V.V ou la voix du chœur, un fragment de Delphes, 2022L'Atelier, Nantes
we were so numerous, 2018Open School Galerie, Nantes
antennae, 2021"Sans feu, ni lieu", POUSH Manifesto et Galerie Michel Journiac, Saint-Ouen et Paris
L’appel du silence, 2023à SOMA lieu d'art hybride, Marseille
Les enfants ont les dents diagonales, 2023Art-O-Rama, Foire d'art contemporain, Friche la Belle de Mai, Marseille
Expositions personnelles
2025
- «kol», Zoo Centre d'art contemporain, Nantes, FR
2024
- «face mère», avec André Fortino, sortie de résidence, à La Chambre, Saint-Nazaire, FR
Expositions collectives
2023
- «H2O», Galerie des Franciscains, Saint-Nazaire, FR
- «les enfants ont les dents diagonales, avec André Fortino», Foire Art-O-Rama, Friche la Belle de Mai, Marseille, FR
- «le plongeon», Exposition collective ParkInn 2, Ateliers du Château d’Eau, Saint-Nazaire, FR
- «l’appel du silence», Contemporary Art Festival - Videopark, SCG
- «nos souffles», Performance, SOMA, Marseille, FR
- «l'appel du silence», Projection, SOMA, Marseille, FR
- «l'appel du silence», Alpha Film Festival, New Jersey, USA
- «le plongeon», Lecture performée, UQAM, Montréal, CAN
2022
- «LE CLOU - BIENNALE DE LA JEUNE CRÉATION DE NANTES», L'atelier, Nantes, FR
- «we were so numerous», SACHO festival, Limousin, FR
2021
- «Rendez-vous demain, numéro 2», organisé par Sophie Legrandjacques et Le Grand Café - Centre d'art contemporain, Atelier Galerie Hasy, Saint-Nazaire, FR
- «Sans feu, ni lieu», POUSH Manifesto et Galerie Michel Journiac, Paris, FR
2019
- «Le Dessin du Salon», MEAN, Saint-Nazaire, FR
- «Exposition une vraie déviation et rien d’autre au sein de "îles flottantes - le dîner"», Mains d'œuvres, Saint-Ouen, FR
2018
- «Trente-deux», Open school galerie, Nantes, FR
- «Tous les envers, tous les endroits», Open school galerie, Nantes, FR
- «Dulcinea», Galerie Marchepied, Nantes, FR
Performances
2025
- «ce que dit la bouche d'ombre», Aperto - Fondation Pernod-Ricard, Paris, FR
- «Lettres à I, Prix Utopie, Galerie Les Filles du Calvaire», Paris, FR
- «Poèmes d'amour et d'amnésie, Aperto, espace-projet de la Fondation Pernod Ricard», Paris, FR
Résidences
2024
- «Résidence d’Écriture et de Création pour l’Image et la Photographie, à La Chambre», Saint-Nazaire, FR
2021/202...
- «Ateliers du chateau d'eau», Saint-Nazaire, FR
2019/2020
- «6B», Saint-Denis, FR
2017
- «Projections Internationales - Fieldwork:Marfa», Texas, USA
Bourses, prix, aides
2025
- Aide à la création - DRAC Pays de la Loire
2024
- Bourse d'aide à la recherche - Martine Delvaux et Département d'études féministes, UQAM, Montréal, CAN
Publications, diffusions
2025
- «FACE MÈRE, Restitution résidence», Éditions La Chambre, Saint-Nazaire, France
- «Traverse, Revue de la Fondation Pernod Ricard», FACE MÈRE et poème, Paris, FR
- «Écritures alternative dans la recherche sur l'Asie du Sud», publié dans la Revue interdisciplinaire sur l’Asie du Sud (RIAS), numéro dirigé par Anne Castaing et Tristan Bruslé, en partenariat avec EHESS
- «Art : Moteur de recherche», Éditions Extensibles, Paris, FR
2021
- ««Fieldwork Marfa Texas Usa, Ten years of art experiments»», Beaux-Arts Nantes / HEAD de Genève, Editions Jannink.
Workshops, enseignement
2025
- Atelier d'écriture performée avec Eugénie Zély, invitation de Nanténé Traoré, Midis poésie, Bruxelles
- Atelier d'écriture avec Lulma Guit, Aperto, espace-projet de la Fondation Pernod Ricard, Paris, FR
- Atelier d'écriture performée avec Eugénie Zely, Aperto, espace-projet de la Fondation Pernod Ricard, Paris, FR
Écoles, formations
2022/...
- Doctorat recherche-création, UQAM et Paris 1 Panthéon Sorbonne, CAN, FR
2018/2020
- Master arts plastiques, Art et sciences de l'art, Paris 1 Panthéon-Sorbonne
2016/2018
- DNSEP, Beaux arts de Nantes Saint-Nazaire, Nantes, France
2014/2016
- DNAP, Beaux arts de Nantes Saint-Nazaire, Nantes, France
Autres
2018/2022
- Assistante de l'artiste Anne Le Troter
2021
- voix dans la pièce sonore La Pornoplante de Anne Le Troter
2019
- voix-off dans le film MARTAGUEULE de Anne Le Troter, production Palais de Tokyo
- comédienne dans la pièce La Fève -Théâtre chez l'habitant, production Théâtre Nanterre-Amandiers, une proposition de Anne Le Troter et Charlotte Khouri
2016/2019
- Choriste soprano dans le chœur de l’Orchestre national des Pays de la Loire
THERE IS NO END TO WHAT A LIVING WORLD WILL DEMAND OF YOU (KOL)
Je te mords, c’est la forme de mon amour, cette balle dans ta bouche, je la prends, elle éclate et le sang dans ma bouche est la langue qui te parle et ne t’atteint jamais.
Lou Villapadierna et moi ne nous sommes pas rencontrées par hasard, nous l’avons choisi après des années à avoir pu le faire et à ne pas le faire,
Il y a longtemps je lis, je dis, j’entends, c’est pareil,
Ce texte naît des ruines de voix dont j’ignore si elles m’appartiennent à moi ou à d’autres,
C’est pareil,
Il y a longtemps apparaissent d’une bouche ou d’une autre les phrases suivantes :
Le hasard, un autre nom pour la mort
Le destin, un autre nom pour la vie
La vie qu’on fait, le destin qu’on refait
Des images circulent : des micros sans chanteuses, des chanteuses sans visages
La vie vaut bien le coup malgré tout,
Penses-tu ?
Lou et moi nous prenons pour des filles marrantes, nous le sommes sûrement,
Notre travail, très comique aussi oui oui,
La vie que je mène et que je déteste voilà ce que j’adresse à Lou
Alors qu’elle me dit (à bout de force j’imagine, moi je le suis alors que j’écris ce texte, prête àme rendre à tout, à n’importe qui, surtout à toi)
Que l’absence est le résultat d’une présence inconnue et mal vécue, elle dit « plusieurs vies mal vécues dont le temps a été coupé, par des meurtriers anonymes, et de ces vies mal vécues
et coupés je suis une des héritières »
Et de ces meurtriers anonymes, moi Eugénie Zély, suit une des héritières,
Nous nous trouvons là,
Lou Villapadierna invite Eugénie Zély
Quand nous nous rencontrons, notre première conversation, assise d’un bout à l’autre d’une table de conférence, entre les murs blancs et les murs vitrés d’une institution de l’art, porte sur la transcendance et s’enroule autour de la foi et s’enroule autour des signes qui la porte et s’enroule autour du langage,
Plus tard, des mois plus tard,
J’arrive dans les ruines de kol,
Je me souviens que les ruines nous précédent,
Deux fois
Nos langues pleines de poussière, nous nous racontons nos triomphes, ce sont des fantômes, les fantômes des mensonges que nous professons,
Votre curiosité vous pousse à vous demander ce que nous avons appris l’une de l’autre à nous parler de transcendance et de matérialité du texte, votre curiosité vous pousse à vous demander : quel est l’objet de la rencontre ?
Ce texte vous accompagne, je veux que Lou en roule un entre ses murs, c’est ma prière pour ce qui nous lie, pour la continuité d’une rencontre qui a à peine encore le format d’une promesse,
Ce matin au café,
Je lui dis, comment s’appelle les petites sonnettes déjà, elle dit : des diapasons
J’ai sur le bout de la langue ton prénom presque effacé
Mes mains traversent mes yeux qui projettent la ruine,
Notre Musique de Godard qui intervient dans une autre des conversations de ma vie,
Devient soudainement à propos dans celle ci,
Champ, contre champ,
Suis-je celle qui tient la caméra ? C’est-à-dire l’arme du crime.
Une description,
Godard parle : ceux qui tiennent les livres ne sont que des comptables, d’ailleurs Balzac dans ses romans a parlé d’inscription sur le grand livre, les Tables de la Loi, l’écriture sainte, le peuple du livre, une image d’archive d’un corps décharné il est écrit : juif, la caméra coule sur un bras velouté, elle porte un t-shirt bleu, une image d’archive d’un corps décharné, il est écrit : musulman, plan sur le visage d’un homme qui regarde une image où un squelette retire un masque de squelette : double mort, une sorte de blague, puis Godard parle à nouveau et dit : par exemple en 1948 les israélites marchent dans l’eau, vers la terre promise, les palestiniens marchent dans l’eau, vers la noyade, champ et contre champ. Il le dit deux fois, il fait passer deux fois les images dans ces mains, il dit : le peuple juif rejoint la fiction, le peuple palestinien, le documentaire.
On dit que les faits parlent d’eux même, mais le champ du texte a recouvert le champ de la vision depuis longtemps, des hommes l’ont dit avant que je le dise moi pour parler de kol, je dis à Lou qu’est ce que ça veut dire kol ? Elle me répond : c’est voix en hébreu, voix sans genre.
Tout ce que je peux faire c’est te désirer et attendre de ce désir qu’il passe, que tu l’assouvisses ou que tu m’ignores, la fin est la même.
Eugénie Zély rencontre Lou Villapadierna
Elles se racontent une histoire
Tout le monde pense qu’elles parlent d’elles, mais elles ne parlent que des autres, poliment cependant elles disent : je.
Eugénie Zély
kol
« Je vais divulguer un secret : le langage, c’est le châtiment. » Ingeborg Bachmann
En invitant la jeune artiste Lou Villapadierna pour sa première exposition personnelle intitulée kol, Zoo centre d’art contemporain a souhaité mettre en lumière une démarche artistique originale qui se caractérise par une exploration sonore centrée sur la voix. Le titre de l’exposition pourrait être confondu avec l’acronyme anglais « KOL » qui désigne un leader d’opinion, voire à un groupe de musique k-pop. En réalité, kol est un mot hébreu ancien qui se traduit par « voix ». Ce choix porte en lui une énigme issue de son étymologie, car comme le souligne l’artiste, son genre est indéfini, ni masculin, ni féminin. La voix, ou plutôt des voix, parcourent l’exposition : celles présentes dans l’espace provenant de la chorale non binaire du film kol que l’artiste a tourné dans une chambre anéchoïque et à l’Abbaye du Thoronet, mais aussi celles absentes des chanteur·euses de la Star Ac 5 représenté·es comme des spectres dans la peinture toute en paillettes de l’artiste André Fortino, invité, à la demande de Lou, à ressusciter in situ cette œuvre perdue. Un fantôme, des fantômes flottent dans l’espace. L’artiste a métamorphosé le lieu en créant une construction architecturale dessinée par son frère architecte. Pénétrable par sa porte vitrée granitée, elle s’apparente à un décor de cinéma réversible : espace clair et épuré évoquant un lieu de travail, celui de l’écrivaine autrichienne Ingeborg Bachmann, avec ses objets aujourd’hui désuets, versus espace sombre et saturé suggérant un cerveau ou un débarras où s’accumulent, insérés dans la structure métallique, papiers, notes diverses, fragments de scénario, dessins qui rappellent ces prières que les juifs coincent dans les fentes du « Mur des Lamentations » appelé « Kotel ».
En pénétrant cet espace syllogomaniaque, nous découvrons les deux vidéos — le film qui diffuse le chant du chœur et l’archive du tournage — qui renforcent ou dévoilent le mystère de l’installation. Ainsi, à travers elle, l’artiste nous révèle la présence de ces voix, celles qui nous hantent et nous habitent, sans que nous y prenons garde, issues des ritournelles de notre enfance, des tubes musicaux de notre adolescence mais aussi celles, plus lointaines, héritées de nos ancêtres, que Lou Villapadierna qualifie d’outre-voix. En résonance à ces outre-voix, nous sommes confronté·es à la question de l’inaudible rendu audible avec l’œuvre elliptique de Dominique Blais dont les micros, devenus enceintes, diffusent un son enregistré d’une aurore boréale, capté lors d’une résidence de l’artiste au pôle Nord, qui pourrait être perçu comme celui du chant des cigales. Une autre œuvre-compagne interpelle activement depuis la rue. Celle de l’avocate artiste Carolle Sanchez, qui investit la vitrine principale par un collage juridique de la Déclaration des droits des voix du vivant des mots, susceptibles d’être lus à voix haute, à voix basse ou en lecture silencieuse. Lou Villapadierna nous invite généreusement à explorer une exposition aux multiples ramifications, composée en différentes strates interprétatives pour penser notre rapport au monde, qu’il soit régi par le droit, par la mémoire collective ou individuelle, par les croyances et les mythes. Elle murmure notre monde.
Philippe Szechter
Antennae
L’installation sonore antennae de Lou Villapadierna produite pour l’exposition Sans feu ni lieu se dresse comme une déformation totémique abstraite et néanmoins vive d’une organicité accueillante. Sculpture animée d’un souffle audible aussi bien que virtuel, elle compose un espace commun et chaleureux; un foyer sonore autour duquel se réunir afin de partager collectivement un moment d’écoute. Les voix qui en émanent, celles d’enfants en pleine mue, sont saisies dans ce moment suspendu de la transformation. Elles-mêmes sans corps, fugitives, désormais lointaines, elles racontent l’histoire d’une présence manquante, le récit d’une voix virtuelle dont les trajectoires potentielles sont infinies, et s’actualisent dans chacun des récits qui en sont faits. L’installation de Lou Villapadierna est ambiguë en cela qu’elle donne l’illusion d’être en même temps réceptrice et émettrice du récit polyphonique qui informe ses contours. Le mouvement cyclique, presque tautologique, qui noue les formes sonores et plastiques qui la composent s’intensifie dans le souffle de ventilateurs hologrammes, révélant des mots qui ne seront jamais prononcés. Le récit de cette perte partagée ravive le feu d’une union possible, d’une autre approche de l’altérité, d’un langage dès lors capable de parler de ce qu’il ne connaît pas.
Noémie Pacaud
Organum cosmique
Depuis Marshall McLuhan, les technologies sont communément appréhendées comme un prolongement du corps humain à même d’étirer ses capacités sensorielles et physiques en pliant l’espace et le temps. Prenons l’exemple de la voix : le microphone permet de l’amplifier et éventuellement de la fixer sur un support audio, le téléphone la fait instantanément résonner à des kilomètres de son point d’émission, le vocodeur ou l’Auto-Tune la modulent à l’envie. Autant de dispositifs offrant au corps une extériorité, la possibilité d’exister hors des limites charnelles. Ceux-ci font dès lors « varier des intensités d’existence », affectant nos relations, nos expériences et nos capacités d’agir. Mais que se passerait-il si ce corps augmenté n’était plus le fruit d’une greffe exogène mais d’une mutation interne, in vivo? Qu’arriverait- il si le corps se mettait à produire, comme dans Les Crimes du futur (2022) de David Cronenberg, de nouveaux organes? Quels seraient leurs rôles et effets? De quelles manières feraient-ils varier les « intensités d’existence »? Quel son produirait une voix dont le larynx serait pourvu, comme dans la modélisation 3D Modal, Loft, Pulse de Lou Villapadierna, d’une troisième corde vocale? Quels types de relations, d’expériences et de capacités d’agir sa vibration ferait-elle émerger? Dans une approche à la fois sensible, pratique et théorique, l’artiste s’est engagée ces dernières années dans l’exploration d’une voix virtuelle qui se déroberait à la pesanteur du réel. Convoquant différents registres iconographiques et narratifs – scientifique, fictif, intime -, la vidéo fold nous fournit quelques indices sur sa nature : « la voix virtuelle n’actualiserait rien, surtout pas elle-même », « une voix du silence, une voix du spectre, une voix qui ne s’entend ni ne s’écoute, ne s’expérimente ni ne se dit », « la voix de morts et des non-nés, des muets et des absents, des non-vivants et des non-humains ». Nourrie par les récits spéculatifs de Donna Haraway, Vinciane Despret ou Isabelle Stengers, autant que par la pensée décorrélationniste de QuentinMeillassoux et Graham Harman, Lou Villapadierna s’intéresse moins à la validité et l’efficience d’un tel phénomène qu’elle ne l’envisage comme une potentialité, un absolu débarrassé du logos et de son anthropocentrisme, permettant de redéfinir nos rapports à l’altérité, fut-elle radicale, en dessinant les contours fantasmés d’une communication élargie et inclusive – intersubjective, interspécifique, outre-tombale, etc. Si Lou Villapadierna dresse le mythe d’une « hantologie vocale » qui ne se fait jamais entendre, elle n’en reste pas moins attachée à la plasticité de la voix qui se manifeste dans ses œuvres à travers le prisme du collectif, de la métamorphose et de la poésie. Dans l’installation sonore antennae, un groupe d’adolescents en pleine mue partagent leur récit au sujet d’une voix mystérieuse tout droit sortie d’une nouvelle de Lovecraft, tandis qu’un ventilateur holographique, planté au bout d’une structure courbe aux airs d’antenne radio, souffle par flashs une série de mots restant pour toujours muets. La dimension polyphonique de la narration croisée des enfants traduit l’intérêt de l’artiste pour le chant choral, pour une voix qui, d’une certaine manière, existe en tant qu’ensemble. Si le latin organum, qui signifie « instrument, outil », a donné le terme « organe », il désigne également un genre polyphonique primitif qui s’est développé au XIe et XIIe siècle. Aussi, se plairait-on à imaginer qu’un larynx doté de trois cordes vocales devienne l’organe d’une vocalisation intrinsèquement contrapuntique et cosmique à même de transcender les classifications, les espaces et les temporalités.
Raphaël Brunel
Lou Villapadierna
La voix virtuelle, concept à partir et autour duquel Lou Villapadierna élabore une recherche fondée autant sur des écrits théoriques que littéraires et poétiques et développe en parallèle son travail plastique prenant notamment la forme d’installations, de films, de textes et de sculptures, serait ce que la voix — en tant que phénomène physiologique associé de prime abord à l’espèce humaine — n’est pas. Se définissant pour ainsi dire par la négative, par une forme d’abstraction et d’inouï, cette voix virtuelle existe indépendamment du corps, du souffle, du son, du logos, de la perception et en cela apparaît moins comme un outil de communication qu’un objet de spéculation, un levier (science) fictionnel ouvrant les frontières de l’espace relationnel qu’ouvre toute voix, aussi inattendue et sous-entendue soit-elle. En imaginant un larynx modifié composé de trois cordes vocales (au lieu de deux), l’artiste amplifie l’énigme de la voix en la décollant de l’espace et de l’expérience réels pour mieux la déconstruire et la réinventer au travers de nouvelles zones de f(r)iction — troubles. La puissance d’imagination et de récit qui traverse son œuvre invite à repenser nos modes de (co)existence et de relations à l’autre et, à l’unisson, à se demander « qui parle ?* » en vue de reconfigurer les fondements socio-éco-politiques du (non) vivant face à l’extinction qui vient.
Anne-Lou Vincente
* Cf. Qui parle ? (pour les non humains), Aliocha Imhoff et Kantuta Quirós, Paris, PUF, 2022.

















