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Exposition collective
Charlène Guyon-Mathé, Ola Odzioba
W Pantin, Pantin
20.06.25 — 29.06.25
Vernissage le 20 juin à partir de 18h. Finissage le 29 juin de 16h à 20h.
Ce titre est doux, il piège.
Le cygne, c’est la métamorphose, et, c’est aussi, la violence des mythes.
Leda violée par Zeus déguisé. Le corps comme territoire conquis.
Ola retourne le mythe : son cygne est armé, armé de porcelaine, armé de rage.
L’étoile, c’est ce qu’on suit quand il fait nuit. Une promesse. Un repère pour qui s’est perdu. Charlène la plante au milieu de l’obscur, mais ne nous donne pas de carte.
Elle nous dit : cherche en toi. Tu la verras peut-être briller.
C’est un duo show, mais c’est surtout un territoire.
Un endroit où l’on peut être à la fois vulnérable et tranchante. Où le sensible devient arme.
Deux voix s’élèvent ici sans fracas.
Elles parlent bas, mais coupent net.
L’une aiguise la fragilité, l’autre enregistre les larmes.
Ensemble, elles composent une grammaire de la résistance silencieuse.
Les sculptures en porcelaine d’Ola Odzioba sont des armes. Pas celles qu’on exhibe. Celles qu’on cache, qu’on polit, qu’on soigne. Trop flexibles, trop patientes, jusqu’à ce qu’elles tranchent. Ses armes sont faites pour couper à travers les récits dominants. Inspirées de l’Urumi, une épée flexible originaire du Kerala, utilisée dans le Kalaripayattu, un art martial traditionnel indien. Par sa nature ondoyante et sa maniabilité complexe, cette épée symbolise une forme de combat fluide, où la maîtrise de soi est essentielle pour que l’arme ne se retourne pas contre son porteur. Dans le travail d’Ola, cette arme devient une métaphore du corps féminin en résistance. Elle construit un monde en prolifération, où le grotesque et le sacré s’épousent, où les formes sont autant de virus plastiques. Des bougies qui pleurent sur des armes trop longtemps brandies. Un piège en porcelaine, tendu entre innocence et émancipation. Son travail est une contagion.
Face au vacarme des armes, Charlène Guyon-Mathé répond avec le murmure insistant de la mémoire. Elle creuse l’enfance comme on creuse une tombe, avec douceur et danger. Son matériau premier, c’est le rêve. Le rêve désarticulé, celui qui nous fait incarner une araignée, une pierre, une femme disparue ou une blessure non cicatrisée. Elle travaille l’impalpable. Ce qui résiste au langage. Ses installations sont des dispositifs sensibles où les symboles flottent, se frottent, nous regardent. Ce sont des pièges à mémoire. Des assemblages de ce qu’on avait oublié de ressentir. Les objets pleurent à notre place : un mouchoir brodé du mot silence, un robinet qui goutte comme des larmes, des fragments de corps devenus abstraction. C’est ça, sa radicalité : nous rappeler qu’être une femme, ce n’est pas seulement être dans le monde, c’est aussi porter en soi des mondes qu’on nous apprend à nier. Elle opère à bas bruit, mais chaque pièce est un acte politique. Elle refuse le dogme, elle refuse l’évidence. Un combat par la sensation. Dans une société qui nous pousse à nous rendre lisibles, mesurables, rentables. Elle rêve à rebours.
Ola arme les corps. Charlène enregistre leurs épuisements.
L’une travaille dans la céramique comme dans un champ de tension, l’autre dans l’assemblage comme dans une armoire à secrets. Et toutes deux racontent ce que c’est que d’habiter un corps vulnérable — et de le refuser comme passif.
Un texte écrit par Hermeline Guillot-Noël
Adresse
W Pantin
6 avenue Weber
93500 Pantin