Artistes

Bernard Calet

Accès à :
Étude-9

Étude-9, 2024 collection de l'artothèque d'Angers

Être Ici/Là-bas

Être Ici/Là-bas, 2024L'Art dans les chapelles, Pontivy

Projection

Projection, 2023Galerie Fernand Léger, Ivry-sur-Seine

Entrelacs

Entrelacs, 2023Galerie Fernand Léger, Ivry-sur-Seine

Et puis, …

Et puis, …, 2023Galerie Fernand Léger, Ivry-sur-seine

Ça tourne !

Ça tourne !, 2023galerie Fernand Léger, Ivry-sur-Seine, Ivry-sur-seine

Icône

Icône, 2022Atelier Calder, Saché

Thuyamania, 2019

Thuyamania, 2019Galerie La Ruche, Paris

Images-lucioles

Images-lucioles, 2019Centre d'Art Contemporain Les Tanneries, Amilly

Exposition « A la fin du jour »

Exposition « A la fin du jour », 2018Église des Trinitaires, Metz

Vidéo : Intrus, 2017
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Vidéo : Intrus, 2017Thouars

Exposition « Random »

Exposition « Random », 2017Chapelle Jeanne d'Arc, Thouars

Situation, Aller dans le décor

Situation, Aller dans le décor, 2015Triennale d'art contemporain de Vendôme, Vendôme

Ni-Nid

Ni-Nid, 2014Piacé le radieux

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Empty model, 2013La Ruche, passage de Dantzig, Paris

Exposition « Winterreise »

Exposition « Winterreise », 2013Galerie art et essai, université de Rennes 2, Rennes

Winterreise (présentation vidéo)
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Winterreise (présentation vidéo), 2013Galerie Art et Essai de l'Université de Rennes 2, Rennes

Exposition « Entretemps »

Exposition « Entretemps », 2011Espace d'Art Contemporain , La Rochelle

Ailleurs – commande

Ailleurs – commande, 2011ancienne ligne de chemin de fer, Neuil-les-Aubiers

Foule

FouleEAC La Rochelle

ICI OÙ LÀ

ICI OÙ LÀ, 2011Saint Avertin

Volume sonore#2

Volume sonore#2, 2010Jardin du Musée des Beaux-Arts de Tours, Tours

Exposition « now here »

Exposition « now here », 2010L'Artothèque, Angers

Exposition « Translation »

Exposition « Translation », 2009Centre d'art contemporain du Micro Onde, Vélizy-Villacoublay

Exposition « Séjour »

Exposition « Séjour », 2007Transpalette , Bourges

Tapis – commande

Tapis – commande, 2003SDIS, Alençon

Fluo

Fluo, 2003Musée d’Art et d’Histoire, Cholet

Mises en demeure

Mises en demeure, 2003Musée d’Art et d’Histoire, Cholet

Movie Land

Movie Land, 2003Musée d'Art et d'Histoire, Cholet

Movieland
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Movieland, 2003Musée d'Art et d'Histoire, Cholet

Construction Mobile

Construction Mobile, 2003 "Proximité" FRAC Alsace, 2003 et Centre Internationnal du Paysage, Vassivière en Limousin, 1999

Panorama
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Panorama, 2003FRAC Alsace, Sélestat

Linoléum

Linoléum, 2000La Galerie, Noisy-le-Sec

Projection

ProjectionCAC de Vassivière en Limousin

Vue d’exposition : Cabane (et Projection)

Vue d’exposition : Cabane (et Projection), 1999Ile de vassivière, Vassivière

Sans titre

Sans titre, 1990île de Vassivière, île de Vassivière en Limousin

Servante – 1% artistique

Servante – 1% artistique, 2016Belvédère du Chronographe, Rezé

Satellite – 1% artistique

Satellite – 1% artistique, 2012Gymnase Dabilly, Tours

Géographie commune

Géographie commune, 2003«rue» du bâtiment du groupe scolaire Dulcie September, Ivry-sur-Seine

Bourses, prix, aides

2021

  • bourse d’aide à la création Région Centre Val de Loire

1997

  • Lauréat ex æquo avec Tania Mouraud de la XIème bourse d’art monumental d’Ivry-sur-Seine mais choisi pour la réalisation

Publications, diffusions

2017

  • «Random, texte d'Eva Prouteau », exposition Chapelle Jeanne d'Arc, Thouars

2013

  • «Winterreise, Denis Briand», exposition Arts et essais, Rennes

2011

  • «Où en est-on aujourd’hui ?, texte de Damien Sausset, éditions HYX», exposition La Rochelle

2007

  • «Dys-location, Sébastien Pluot», exposition Séjour, Transpalette, Bourges

2004

  • «Bernard Calet, “Circulation fluide“ texte de Jean-Marc Huitorel, “Où est ici ?“ texte de Jean-Christophe Royoux, “Architecture/Habitat“ texte d’Hélène Chouteau, “Paramaître“ texte d’Alain Katz et “Pour une écologie de l’espace“ texte de Pascal Neveux, traduction anglaise de “Circulation fluide“ et “Où est ici ?, Archibooks/legac+sautereau éditeurs, mars»

2003

  • «Où est ici, texte de Jean-Christophe Royoux», Bourse d’Art Monumental de la ville d’Ivry-sur-Seine

2001

  • «Bernard Calet, entretien avec Alain Coulange, École Supérieur des Beaux-Arts de Tours»

2000

  • «Bernard Calet, La Galerie, textes d’Hélène Chouteau et Jérome Diacre, Noisy-le-Sec,»

1999

  • «Bernard Calet, “esthétique des transferts“, texte de Paul Ardenne, Centre d’Art de Vassivière en Limousin,»

1998

  • «Bernard Calet, textes de Marie-Hélène Breuil et de Madelaine Van Doren, lauréat de la XIème Bourse d’art monumental d’Ivry-sur-Seine,»

1990

  • «Bernard Calet, “Point de vue-image“, texte de Catherine Grout, Le Creux de l’Enfer, Thiers»
  • «Bernard Calet, “Sans Titre“, texte d’Agnès Clerc, plaquette/affiche, Centre d’Art de Vassivière en Limousin»

1988

  • «Sculptures-dessins, “Les Paradoxes de Bernard Calet“, texte de Jean-Luc Terradillos, Châtellerault»

Collections publiques, acquisitions

2025

  • Vibration, collection des Musée de France

2021

  • Archi-data, 2021- FRAC des Pays de Loire (session de novembre

2018

  • Insula, Île de la Métairie, Espace Naturel Sensible, Conseil départemental d’Indre et Loire

2012

  • Satellite, Gymnase Dabilly, Tours

1994

  • Élévation II - achat du FRAC Centre

1990

  • Pavillon témoin - achat du FRAC Centre
  • Sans titre, Achat du FRAC Limousin en dépôt sur l'Île de Vassivière en Limousin

Commandes, 1% artistiques

2020

  • Servante, 2020 - Belvédère du Chronographe, Rezé

2001

  • Ailleurs, «Chemin de Faire», Nueil les Aubiers

2003

  • Construction Mobile, FRAC Alsace
  • Géographie commune - «rue» du bâtiment du groupe scolaire Dulcie September Ivry-sur-Seine Commande réalisée dans le cadre de la Bourse d’Art Monumental de la ville d’Ivry-sur-Seine, obtenue en 1999
  • Mises en demeure, Arthotèque d’Angers
  • Maison Sélestat, Musée d’Art et d’Histoire de Chollet

2001-2003

  • Tapis - commande réalisée dans le cadre du programme Nouveaux commanditaires de la Fondation de France - SDIS, Alençon

1995

  • Labyrinthe, I.U.T, Chartres

Texte de l'exposition Contexts, Paris

Le travail de Bernard Calet prend le plus souvent la forme d’installations où sont utilisés différents médiums comme la sculpture, l’image photographique ou vidéo, le son. Le langage dans sa double fonction, définition et métaphore, est aussi une composante importante de son oeuvre. Les recherches de Bernard Calet portent depuis toujours sur la notion de l’espace et la complexité que la modernité a introduite dans notre relation à celui-ci, autrement dit la perception fusionnelle de ses multiples aspects : architecture, paysage, frontière, endroit de transit ou encore image cérébrale, point de fuite des flux communicationnels, zone floue de l’imaginaire… Tous ces « espaces » se (re)présentent en road movies superposés où le réel s’imbrique au fictionnel et vice-versa. Ils nous sont contemporains et, par cela même, insaisissables et incertains. Pour s’y situer, nous sommes contraints à un état de mobilisation non-stop, physique et mentale, entre un ici et un ailleurs, entre un « déjà» et un « pas encore »1. (…)

Anastassia Makridou-Bretonneau

1. Voir Giorgio Agamben, Qu'est-ce que le contemporain, éd. Rivages, 2008, p.p 25-32.

Texte pour l'exposition Artistes et Architectes au CCCOD

Nourri de références à l’histoire, à la littérature, à la musique, au cinéma, le socle permanent du travail de Bernard Calet se construit à partir de ce qui relève de l’architecture au sens large et comment celle-ci influence nos modes de vie et nos actions. Les questions relatives à l’espace sont constamment interrogées, que ce soit par recours à des jeux de rapports d’échelle, de traduction, de déplacement ou encore de façon conceptuelle par la manipulation des mots et des idées.
Dans ses sculptures et installations, il utilise de façon très subtile les jeux d’ombre et de lumière et les reflets comme des outils du regard, aptes à pénétrer l’espace et à en révéler le volume. Avec un esprit acéré sur les questions d’urbanisme, d’écologie et d’organisation de la vie collective, ses œuvres posent des questions fondamentales sur comment habiter aujourd’hui, sur les relations entre le privé et le public, les rapports entre l’intimité de l’intérieur et le dévoilement de l’extérieur.
Adepte des interventions dans l’espace urbain, il réalise aussi des œuvres en très petits formats qui sont souvent des sortes de miniatures de mondes potentiels à plus grande échelle. C’est ainsi qu’en 2020, durant la période de confinement imposée à une partie de la planète par le virus du covid-19, il conçoit des collages au format à peine plus grand que la carte postale qui associent différentes végétations et éléments d’architecture pour créer, par des effets de superpositions de plans et de perspectives, des espaces fantasmagoriques et illusionnistes.
La maquette occupe une place importante dans le travail de Bernard Calet, le modèle réduit renvoyant autant à la réalité qu’à la fiction. Le changement d’échelle s’avère un outil de l’artiste pour signifier des décalages, des ambiguïtés, des distorsions, autant de phénomènes pouvant intervenir sur un plan physique comme d’un point de vue philosophique et politique à l’échelle d’une société. Avec une sensibilité profondément tournée vers l’homme et son appréhension de l’environnement qui l’entoure, la présence du corps est induite dans la plupart des œuvres de Bernard Calet, que ce soit en tant qu’acteur du dispositif autant que récepteur de sensations.

Isabelle Reiher, 2020

Isabelle Reiher

Moving Inside

BERNARD CALET
MOVING INSIDE

Pour son exposition Moving Inside à la Galerie 8 + 4, Bernard Calet déploie un nouvel opus de son œuvre, opus orienté vers les questions de l’image et de la représentation. Si l’exploration des ambiguïtés de l’architecture dans notre civilisation reste sous-jacent, ces nouveaux collages, peintures, photographies et sculptures forment au final une réflexion tendue sur la question de l’information au sein de notre culture. Il y est aussi question d’écran, de flux d’énergie et d’une relation à réinventer avec la matière primitive de notre planète. En se jouant des stéréotypes avec une certaine poésie, en construisant une critique non dénuée d’humour, en réaffirmant l’espace de l’atelier comme lieu d’invention, il s’interroge naturellement sur la manière dont les objets et les visuels de notre quotidien tendent à proposer un monde de moins en moins ouvert à la puissance de l’imaginaire. Première exposition personnelle à Paris depuis de nombreuses années, Moving Inside oscille entre dénonciation d’un ordre ambiant et célébration du pouvoir d’enchantement de l’image.

 

Moving inside est un rassemblement, rassemblement d’œuvres ayant pour premier point commun d’avoir été imaginées et réalisées ces derniers mois. Bernard Calet n’a jamais fait mystère de ses champs d’investigation : lieux urbains, habitats, mobilité du corps, mode d’apparition du langage dans notre culture ou mises en scène artificielles issues des médias. Mais Moving inside ponctue aussi son œuvre en confirmant certaines de ses intentions quant à notre époque. Ainsi Bri-collage (2020-2021), Icones (2021), deux ensembles de collages s’attaquent ouvertement à la généalogie des visuels contemporains qui ne cessent d’inonder notre univers. Si le premier (Bri-collage) surgit des prospectus de promoteurs immobiliers ensuite découpés et réarrangés, le second (Icones) dénonce l’absence totale de hors champ dans les illustrations des quotidiens nationaux. Ces deux séries ont donc pour ambition une mutation radicale : transformer par l’action – collages ou rehauts – de simples visuels – l’un commercial, l’autre informatif – en images avec leurs impensés et évidemment leurs hors champs. Dans les deux cas, l’artiste prend ouvertement le spectateur à témoin en le contraignant à percevoir ces œuvres comme des réfutations des stéréotypes aujourd’hui à l’œuvre. Dans un cas, la navrante affirmation d’un idéal petit bourgeois (être propriétaire d’un espace construit sans particularité aucune) devient paysage ou le vide – et donc l’imaginaire – prend toute sa place. Dans le second, recouvrir un banal visuel attestant des calamités du monde par des formes géométriques (en couverture de survie) tend évidemment à contraindre le spectateur à s’interroger sur son indifférence face aux événements du monde au sein des médias. D’ailleurs pour mieux réaffirmer le propos d’Icones, Bernard Calet maintient intacte la double page du quotidien national, laissant visible à travers une simple fenêtre l’image rehaussée, son emplacement dans la publication et son rapport d’échelle avec la page.

Toutes les œuvres de Bernard Calet fonctionnent donc comme des particules de résistance imaginées à partir des scories de nos cultures. Elles ne résultent pas d’un processus d’accumulation, voire de trouvailles merveilleuses, mais bien d’un prélèvement que l’artiste ensuite soumet au jugement de l’utopie moderniste. Il faut donc percevoir Bernard Calet à la fois comme un activiste refusant un ordre établi tout autant qu’un flâneur amusé par l’inconsistance des signes de notre environnement. Ceci n’est pas nouveau et cette logique déconstructive se trouvait présente dès ses débuts vers la fin des années 1980. Mais depuis quelques années, il ne cesse d’élargir son propos pour aborder plus frontalement la question de l’information, des écrans, des énergies qui circulent dans notre univers reliant objets et pensée. Chez lui, l’installation ou même l’image furent longtemps traités non pas comme des renvois à une réalité à saisir mais comme des représentations factices qui justement en tant que représentations factices imposaient en retour des structures de pensée. D’où chez lui l’importance des cartes, des maquettes, des paramétrages scientifiques, des images de synthèses. D’où aussi cette volonté de subvertir les échelles des pièces (de l’installation à la sculpture). Mais depuis peu, sa pratique semble répondre plus directement à une appréhension plus sensible, plus poétique, de notre univers. La pierre, le renvoie au paysage, à la nature, l’évocation des schémas de neurones ou des systèmes informatiques, l’emploi de couleurs destinées à camoufler, autant de signes qu’il aime à brasser dans un logique moins tournée vers la ville et le fait urbain.

Camouflage 1 et 2 doivent ainsi être considérées comme des charges humoristique envers ces glissements et récupérations opérés par notre culture. Le motif du camouflage, initialement prévue pour l’armée, s’est métamorphosé en ornement essentiel de la mode. Couturiers et marques de street wear s’en sont emparés pour le transformer en parure. Si la fonction initiale du camouflage consistait à masquer, à cacher celui qui la porte d’un éventuel ennemi, elle devient dans notre culture une affirmation de soi, une mise en évidence par l’altération des couleurs soudain rendues voyantes, exemplairement voyantes. Dans ce retournement, il y est question d’identité et de mise en conformité aux fantasmes du paraitre. Rendre voyant ce qui normalement reste dissimulé, transposer un signe de la guerre (l’uniforme) en artifice d’une autre guerre, autrement plus généralisé, participe de l’affirmation d’un égo en butte à la reconnaissance de la société. Les deux œuvres en poussent le principe dans son paroxysme ultime : sous l’action de l’artiste le motif mute de nouveau pour devenir un principe pictural dont les couleurs renvoient à ce fameux bleue incrustation utilisé sur les plateaux pour les effets spéciaux. Créer du visible à partir des couleurs même de l’invisible dans les médias. Ce qui est à voir est tout autant un arrangement abstrait de couleurs apposé avec soin sur une toile qu’un feuilletage de sens chargé historiquement et sociologiquement. On retrouve ce même jeu avec cette couleur destinée aux trucages dans Fictional Landscape.

La série Paysage conduction (2022) reprend donc le même principe mais en l’inversant : l’un des genres les plus nobles de la peinture – le paysage – devient photographie, ou plutôt une représentation hybride entre image et visuel, entre réalité et invention fictionnelle. Chacune présente un sous-bois dense avec ses chorégraphies aléatoires de branches et de feuilles, avec quelques éclats de ciels perceptibles dans les creux de la canopée. Lors du tirage (et donc de l’édition) Bernard Calet manipule les couleurs, transforme le bleu du ciel en marron laissant apparaitre ici et là des fulgurantes de violet, saturant certains verts et conduisant la photographie à devenir une image camouflage. Chaque élément s’y présente dans une gamme qui le démarque imperceptiblement de son voisin. La densité des éléments renforce ce brouillage visuel. Dans certains creux de la représentation, quelques rehauts à la feuille de cuivre creuse la surface par leurs éclats métalliques. Ce qui est là, devant le spectateur, est tout autant un équivalent d’un paysage naturel qu’une évocation de l’énergie circulant dans et hors d’une image désormais fictionnelle. Telles ces représentations de cerveaux, de synapses, de réseaux infinis, ces œuvres travaillent à la frontière entre plusieurs registres : celui de l’attestation du réel et celui d’une modélisation des énergies (que ce soit celle du cerveau humain ou des ordinateurs). Le spectateur ne sait ce qu’il doit analyser dans cet entre-deux disruptif.

Si certains ont assimilé Bernard Calet à une sorte de moissonneur glanant dans le réel matière à production, ils oublient combien tout se joue ensuite dans l’espace de l’atelier puis dans un troisième temps dans le lieu d’exposition considéré comme la cristallisation d’un contexte. L’exposition dans la Galerie 8 + 4 ne fait pas exception à la règle et introduit même ouvertement une dérision joyeuse sur notre temps. Impact de réel (2022) reprend la forme des palettes moulées en aggloméré mais reproduites à une échelle réduite. Elles se métamorphosent en modules permettant de composer à l’infini des propositions d’architecture. Sur ces porcelaines mates, des impacts en forme de cratères sont recouvertes de platine, soulignant la dimension aléatoire de ces formes. Par ce geste iconoclaste, créer des perturbations à l’esthétique parfaite, Bernard Calet introduit la possibilité d’une double lecture. Si comme il l’affirme « Les impacts font rupture, sont fragmentés par le bruit du réel », l’objet final rejoint par la perfection de sa fabrication la cohorte des produits estampillés pour un marché du luxe. De la palette au jeu de construction, d’une forme issue du monde ouvrier à la somptuosité d’un produit du design contemporain, le raffinement du déplacement ne peut que surprendre le spectateur. Enfin, la série de sculptures Connections réintroduit dans le parcours de l’exposition la présence de l’architecture comme archétype d’un rapport du corps humain avec le réel. Pour Bernard Calet, l’architecture doit se lire comme un écran, à la fois enveloppe protectrice mais aussi surface propre à recevoir toutes les images (voir même à faire image). Dans ces maquettes qui tiennent plus de la sculpture ou de la proposition pour quelques monuments incertains de l’espace urbain, l’utopie moderniste y est niée. Ce qu’il expose est une perte de repère et une abolition des principes normatifs de l’architecture. L’œuvre n’est plus qu’une trame vide. L’humain y est exclu et le territoire réduit à un socle générique. Mais tout l’art de Bernard Calet n’est-il pas un art du nomadisme au sein d’une géographie culturelle mondialisé, un art ou les savoirs subalternes sont soudain réinventés dans l’espace cerveau de l’atelier puis dans l’espace de monstration ? Ici le simple cube blanc d’une galerie y est devenu un lieu d’énonciation d’une forme de résistance à la fois poétique et humoristique.

Damien Sausset

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Qu'est-ce qu'un lieu

Qu’est-ce qu’un lieu ? Avec « Entrelacs », réponse de Bernard Calet
Christophe Le Gac _ dans Chroniques d’architectures
Vue de l’exposition « Entrelacs », par Bernard Calet, Galerie
Fernand Léger – CAC @GFL

À l’invitation du directeur – Hedi Saidi – de la Galerie Fernand Léger d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), l’artiste Bernard Calet a investi, de janvier à mars 2023, les espaces souterrains d’un centre d’art dédié à l’art public et aux territoires locaux. L’exposition « Entrelacs » questionne la notion même de lieu au regard de ses
représentations possibles. Chronique de l’avant-garde.
Genius loci
Au pied de l’ensemble de logements et de commerces (1971-1986) de Renée Gailhoustet et non loin de ceux (1969-1975) de Jean Renaudie – les fameuses « Étoiles d’Ivry » -, la Galerie Fernand Léger en occupe les sous-sols. Étonnant ? À l’origine, ces lieux souterrains étaient destinés à accueillir des salles pour un cinéma de quartier
qui n’aura jamais vu le jour. N’en demeurent, transformés en espaces d’exposition, que deux grands volumes ayant gardé les propriétés topographiques si caractéristiques d’un cinéma : pente douce pour la mise en place des fauteuils en rangs d’oignon, rampes contiguës à ces allées d’assises, petites cabines de projection jouxtant un
escalier pour la déserte de chaque salle, etc.
Autant de contraintes pour chaque artiste invité.e à exposer dans un espace aux apparences de « White Cube ». Devenu un standard international du lieu de diffusion de l’art contemporain car l’architecture s’y effacerait au profit des oeuvres d’art, le « cube blanc » est un parallélépipède rectangle aux cimaises blanches, au sol en béton gris ou parquet brut ou teinté, au plafond blanc avec rails suspendus pour tubes fluorescents à la lumière froide ; si possible l’ensemble ne doit pas comporter de fenêtres pour ne pas être entravé par la lumière « naturelle », difficile à optimiser.
La galerie Fernand Léger est un cube blanc contrarié par sa fonction originelle : un cinéma. Fort de ce contexte, l’artiste Bernard Calet décide de jouer avec ces éléments programmatiques ; au lieu de les subir, il les
métamorphose en données créatives. Non seulement il réaménage les circulations du lieu mais transforme ce dernier en un milieu où les attributs de la scénographie dialoguent avec nos manières d’être
face aux oeuvres et dans les différents espaces à vivre. La place du visiteur devient centrale.
Au coeur du dispositif, ce dernier n’est plus comme au cinéma, il devient acteur du scénario proposé par l’artiste. Et si nous suivons les dires de celui-ci : « Entrelacs est une exposition pensée comme une promenade entre différents univers qui cohabitent ».
Lieu artificiel vs lieu naturel, et inversement
Dans son ouvrage « Genius Loci / Paysage, ambiance, architecture » (Mardaga, 1981, édition originale 1979), à lire ou relire, Christian Norberg-Schulz, architecte, est le théoricien d’une architecture phénoménologique ; entendre une approche de l’art de bâtir dont la construction d’un espace géométrique (l’abri) ne suffit pas à faire architecture car elle requiert un supplément d’âme, un esprit du lieu, une plus-value symbolique pour faire sens, architecture. En
d’autres termes, la mission de l’architecte serait de créer des « espaces existentiels ». Norberg-Schulz ajoute cette dimension intrinsèque : « l’architecture appartient à la poésie, son but est d’aider l’homme à habiter ». Sa pensée s’appuie sur celle du contestable philosophe allemand Heidegger ; notamment sur sa fameuse conférence de 1951 : « Bâtir, habiter, penser ». Face à un parterre d’architectes de la reconstruction, le philosophe tente de démontrer la différence entre « se loger » et « habiter » ; il insiste sur l’importance des relations concrètes entre les choses (la nature, les humains, etc.) et pose la question aux hommes de l’art : « Comment le bâtir fait-il partie de l’habitation ? » Dans une parole lyrique, presque mystique, il invente le concept de « Quadriparti » dans lequel les corrélations entre ses différentes parties – la Terre, le Ciel, les Mortels, les Divins – doivent être en harmonie pour que l’être advienne, c’est-à-dire la fusion entre les espaces architecturés artificiellement ou « naturellement » ; l’architecture en somme !
« C’est seulement quand nous pouvons habiter que nous pouvons bâtir », dit-il en conclusion.
A l’heure du « greenwashing » (« blanchiment écologique » selon Deepl !), il est très étonnant qu’un type ayant adhéré au parti nazi puisse, 15 ans après, devenir un pionnier de l’écologie la plus raisonnable qui soit. Nous préférons retenir la description-analyse des lieux artificiels et naturels de Christian Norberg-Schulz, avec ces nombreuses preuves par l’image (l’utilisation de la photographie dans son ouvrage « Genius Loci » en témoigne).
Ce petit détour par une philosophie de l’habiter et une théoriearchitecturale critique vis-à-vis du fonctionnalisme moderne trouve d’indéniables échos dans les souterrains d’une icône de l’anti angle droit que peuvent être les bâtiments de feue Renée Gailhoustet.
Bernard Calet n’est pas architecte mais, depuis bientôt trente ans, il questionne les différentes échelles de l’espace construit, de l’urbanisme à la maison individuelle, en passant par la notion de paysage. Un simple clic sur son site permet de se rendre de compte à quel point l’architecture hante l’artiste tourangeau. Cela tombe bien, depuis quarante ans, la ville d’Ivry-sur-Seine valorise l’art public. Dernièrement, sous la houlette de Hedi Saidi, directeur de la Galerie Fernand Léger, une Triennale Art Public permet à dix artistes de réfléchir à une intervention autour de différentes thématiques telles « Les berges de Seine », « Les cheminées industrielles », « Les espaces architecturaux de Renée Gailhoustet et Jean Renaudie », « L’interaction avec les habitant.e.s », et « Les socles, sur le territoire d’Ivry-sur- Seine » (Rendez-vous en septembre 2023, dans la Galerie pour découvrir les propositions de la troisième du nom).
Vue de l’exposition « Entrelacs », par Bernard Calet, Galerie
Fernand Léger – CAC @GFL
Fort de ce contexte, Bernard Calet commence par effectuer plusieurs dérives urbaines sur tout le territoire de la commune. Il plante sa caméra devant un chantier non loin du centre-ville. Dans un plan fixe, telle un crabe, le bras articulé d’une pelle, dans un mouvement de balancier, s’évertue à extraire et déplacer de la terre pierreuse d’un point A à un point B. Rien de plus banal a priori. Un détail interpelle cependant : le godet de l’engin a la particularité de faire disparaître les « grumeaux » (grosses pierres) par tamisage et ainsi, de transformer le tout-venant en terre fine. Par ce dispositif simple et efficace, l’artiste donne à ce moment technique et pragmatique une dimension poétique.
À l’image d’un plan-séquence de la Porte de La Chapelle, dans le dernier film de Clément Cogitore – « Goutte d’Or » (Sortie en salle depuis le 1er mars 2023) –, le chantier devient souvent chez les artistes un moment en suspension, une ouverture sur l’imagination d’un demain et les regrets d’un hier. S’en dégage une poésie romantique de la transformation de la ville. Chez Cogitore, les lumières des véhicules de chantier percent la nuit ; chez Bernard Calet, la pelleteuse tutoie un ciel gris aux mille nuages cotonneux.
Placée à l’entrée de l’exposition, avant de descendre dans les entrailles du centre d’art, cette vidéo au nom explicite de « Terra » et d’une durée de 1’ 30”, incite à penser qu’il va être question de déplacement, de métamorphose, de déambulation, etc.
En effet, une fois dans la première salle, une espèce de table à la surface verte donne l’impression de sortir du mur ; plusieurs plantes domestiques (de bureau) en pot sont disposées dessus de manière aléatoire. Pas vraiment dessus car des trous ont été percés dans le plateau afin que les pots en terre cuite tiennent en suspension grâce à leurs rebords plus larges.
Vue de l’exposition « Entrelacs », par Bernard Calet, Galerie
Fernand Léger – CAC @GFL
Une fois au point bas de la salle, le regard embrasse une drôle de composition spatiale. Les murs sont divisés en deux : le tiers bas est peint du même vert que le plateau floral et des noms de plantes dites spontanées (non plantées par les humains dans un but décoratif, appelées à tort mauvaises herbes par certains) ; les deux
tiers hauts sont eux recouverts d’un bleu.
D’un certain point de vue, la ligne de séparation entre le vert et le bleu s’aligne avec la partie haute de la table. Les plantes de bureau deviennent aussi artificielles que les deux couleurs froides.
Nous apprenons dans la feuille de salle que les deux couleurs sont dites « inscrutation », celles utilisées par l’industrie cinématographique pour intégrer les effets spéciaux les plus fous ou toutes projections de mondes impossibles dessinés par l’entremise de la CAO (Conception Assistée par Ordinateur).
Par ce dispositif, l’artiste introduit le visiteur dans un décor de cinéma du XXIe siècle où la postproduction a pris le dessus sur l’impressionnisme du décor en « dur » ou extérieur. En compagnie d’autres visiteurs, l’animation des corps dans cet espace-temps engendre non seulement une conscience de chacun mais interroge sacrément sur notre devenir binaire. Allons-nous toutes et tous finir en images de synthèse ? Si tel est le cas, comment serat- il possible de faire lieu ?
En attendant ce moment pas encore à l’ordre du jour, l’expérience vécue et vue dans « Ça tourne ! » (le nom de cette installation environnementale) met en évidence la tendance si humaine à vouloir domestiquer et fictionnaliser tout ce qui nous entoure, y compris nous-mêmes. Mais n’est-ce pas la condition sine qua non pour faire
lieu ? Véritable Homo Technicus depuis des siècles, serions-nous capables de vivre en immersion totale dans la nature pour faire lieu ? À réfléchir…
Vue de l’exposition « Entrelacs », par Bernard Calet, Galerie
Fernand Léger – CAC @GFL
Derrière un mur, au fond de l’espace, une baie ouvre vers l’autre salle d’exposition. Comme pressenti, la grande table trouée par des pots de fleurs poursuit son chemin de l’autre côté du mur. D’autres plantes viennent la garnir tandis qu’un bout du mur est peint du même bleu. Comme un rappel, Bernard Calet file la métaphore du monde factice et frictionnel (monde artificiel contre monde naturel).
Une autre installation – « Projection » – attire le regard et pousse le corps à s’approcher d’un ensemble composé de moulages de pierre en béton disposés ici et là. Dans et autour d’un rectangle bleuviolet, l’effleurant, une chaise en bois avec sur son dossier une veste de couleur vert incrustation. L’assise tourne le dos comme un appel à venir s’asseoir. L’artiste incite à occuper l’espace afin que celui-ci devienne un lieu à part entière.
Vue de l’exposition « Entrelacs », par Bernard Calet, Galerie
Fernand Léger – CAC @GFL
Vue de l’exposition « Entrelacs », par Bernard Calet, Galerie
Fernand Léger – CAC @GFL
Vue de l’exposition « Entrelacs », par Bernard Calet, Galerie
Fernand Léger – CAC @GFL
D’autres oeuvres attendent dans différents coins et recoins mais il est temps de conclure. La figure et le lieu
Cet intertitre renvoie évidemment à l’ouvrage du père de la « sociologie historique comparative », à savoir Pierre Francastel.
Mais, au-delà de cette référence qui sied admirablement au travail de Bernard Calet, toujours soucieux de mettre à l’épreuve de l’art, les dimensions politiques, sociales, économiques et esthétiques des environnements dans lesquels il est invité à intervenir ou à réfléchir en atelier, « la figure et le lieu » sont finalement les deux sujets principaux de l’exposition au nom explicite « Entrelacs » (Ensemble de choses entrelacées comme nous le rappelle le dictionnaire).
Si aucune figure humaine recouvre les cimaises, leur présence se veut être tout l’inverse de leur représentation. Chaque visiteur devient une figure au sens propre du terme et non figuré ; sans lui, pas d’œuvre, pas de poésie et il devient donc impossible d’habiter l’œuvre, de faire lieu. Seule sa présence permet de faire, dans un même mouvement, image et lieu. « Image » quand les personnes se prennent en photo pendant le temps de visite et de circulation dans les différents espaces d’exposition. « Lieu » parce que dans leurs manières d’être dans ces espaces, ces mêmes individus les déterminent.
« Un lieu est un espace doté d’un caractère qui le distingue ». Dixit Norberg-Schulz. CQFD !
Christophe Le Gac
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Vue de l’exposition « Entrelacs », par Bernard Calet, Galerie
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Christophe Le Gac

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Rose de vie
Maison TV, 1997