Artistes

Sophie Hurié : vit et travaille à Angers.

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Caprice de fées – 90’- 2023

Caprice de fées – 90’- 2023, 2023Presbytère de Charcé, Brissac Loire Aubance (49)

Paper moon

Paper moon, 2016Galerie 5, BU Belle-Beille, Angers

Paper moon, 2016

Paper moon, 2016Galerie 5, Angers

Stop look & dream

Stop look & dream, 2013Galerie RDV , Nantes

Stop, look, listen, think & dream

Stop, look, listen, think & dream, 2013La borne, Place Saint-Pol, Vatan

Ma maison

Ma maison, 2013MAM Galerie, Rouen

Trucville

Trucville, 2014Les Beaux-Arts - École d'arts plastiques, Poitiers

Un autre endroit

Un autre endroit, 2013Centre d'art de la Chapelle Jeanne d'Arc de Thouars, Thouars

Moon Mirrors

Moon Mirrors, 2008Galerie de l'Ancien Collège, Ecole d'Arts Plastiques, Châtellerault

The Village
00:20

The Village, 2009CAUE de Maine-et-Loire, Angers

Pièce

Pièce, 2003Chapelle du Genéteil, Centre d'Art Contemporain, Château-Gontier

Expositions personnelles

2023

  • «Heureux qui comme Ulysse... », Charcé

2016

  • «Paper moon», Bibliothèque Universitaire Belle-Beille - Angers

2013

  • «Stop, look, listen, think & dream», La Borne, Vatan - Association Le Pays où le ciel est toujours bleu
  • «Stop look & dream», Galerie RDV - Nantes

2012

  • «Un autre endroit », Centre d’art la Chapelle Jeanne d’Arc - Thouars

2009

  • «The village», CAUE de Maine et Loire - MATP - Angers
  • «Sursis», L’enceinte - Angers

2008

  • «Moon mirrors (Gâteau d’anniversaire) », Galerie de l’ancien collège - Ecole d’Arts Plastiques - Châtellerault
  • «Gâteau d’anniversaire N°4 », Galerie de l’ancien collège - Ecole d’Arts Plastiques et autres lieux - Châtellerault

2004

  • «Histoire & fictions numériques», École d’Arts Plastiques - Châtellerault

Expositions collectives

2019

  • «Le dessin du salon », Saint-Nazaire

2015

  • «L’Art s’emporte», Exposition des nouvelles oeuvres de l’artothèque - Médiathèque François-Mitterrand - Poitiers
  • «70 Combats pour la Liberté», Musée Quesnel-Morinière - Coutances

2014

  • «CO2 présente La petite collection », Galerie White Project - Paris
  • «Trucville», École des Beaux-arts - Poitiers
  • «70 Combats pour la Liberté », Le Radar - Bayeux

2013

  • «Ma maison», MAM Galerie - Rouen

2012

  • «Pierres Blanches», Musée de l’imprimerie - Nantes

2010

  • «24 artistes à la Galerie 19», Angers
  • «Triptyque - Galerie RDV», Angers
  • «5 in two », École Municipale d’Arts Plastiques - Cholet

2009

  • «Multiples # 2», Galerie RDV - Nantes

2008

  • «Cent», Galerie Defrost - Paris
  • «Between us...12», Miss China - Beauty - Paris

2007

  • «Select 01 - Format A4 in progress », Miss China - Beauty - Paris

2006

  • «C’est mon tableau ! », Galerie Christine Phal - Paris
  • «“Cinq cent milliards de filles Et moi, et moi, et moi.” », Miss China - Lunch Box - Paris

2004

  • «Les dernières créations de l’Artothèque », École d’Arts Plastiques - Châtellerault

2003

  • «Retouche with me», Chapelle du Genêteil - Centre d’art contemporain - Château- Gontier

1994

  • «I N.E X 94», La Pléiade - La Riche
  • «Galerie de l’Étage », Vitré
  • «Les enfants des Plaines », Trélazé
  • «Porte-ouverte à l’atelier », Trélazé
  • «Portes ouvertes sur l’art », Le Mans

1993

  • «Jeux de la Francophonie 1993 », Sélectionnée, section Sculpture, pour représenter la région Ile-de-France au niveau national

1992

  • «Novembre à Vitry», Galerie Municipale - Vitry-sur-Seine
  • «I N.E X 92 », La Pléiade - La Riche

1991

  • «Invitée Biennale 1991 », Société Nationale des Beaux-Arts - Grand-Palais - Paris
  • «Sculptures», Salle du Haras - Angers
  • «Portfolio 1991 », Association Faire Paraître - Musée des Beaux -Arts - Angers

1990

  • «Les Étoiles de la Peinture», Finale Européenne - Galerie A. T. - Paris - Prix Spécial du Public
  • «Les Étoiles de la Peinture», Les Étoiles de la Peinture - Sélection Régionale Ile-de-France - Hôtel groupe ACCOR - Paris

Performances

  • Bourses, prix, aides

    2015

    • Allocation achat de matériel - DRAC des Pays de la Loire

    2014

    • Aide à la création (projet Paper moon) - Région des Pays de la Loire

    2006

    • Allocation achat de matériel - DRAC des Pays de la Loire

    Publications, diffusions

    2024

    • «L’inventaire utopique », Galerie 5 / Galerie Dityvon - 100 expositions 2007-2024 2019 - Catalogue Galerie RDV 2007/2017

    2019

    • «Catalogue Galerie RDV 2007/2017»

    2016

    • «Édition Paper moon», Galerie 5 - Bibliothèque Universitaire Belle-Beille - Angers - textes de Paul Ardenne, Jean-Luc Dorchies, entretien avec Léa Cotart-Blanco
    • «La Borne, 365 jours d’art contemporain en region Centre », Saison 2013 / 2014 - Le pays où le ciel est toujours bleu - texte de Laurent Mazury
    • «Trucville - expositions Le Dourven, Le Carré Chapelle du Genêteil et École des Beaux-arts de Poitiers », texte de Frédéric Emprou - édition Le Carré, Scène nationale, Centre d’art contemporain - Château- Gontier

    2014

    • «CO2 présente La petite collection », Galerie White Project - Paris
    • «70 combats pour la liberté / 70 artistes », Le Radar

    2013

    • «Un autre endroit », Centre d’art la Chapelle Jeanne d’Arc - Thouars - texte de Jean-Luc Dorchies

    2011

    • «Catalogue RDV pour l’art contemporain»

    2010

    • «ABC de la Chapelle, Chapelle du Genêteil, Centre d’art contemporain », Château- Gontier

    2003

    • «Catalogue, exposition Retouche with me», Chapelle du Genêteil, Centre d’art contemporain - Château- Gontier - texte de Pierre Giquel
    • «303 - Arts, recherches et créations n°76», texte de Frédéric Emprou - exposition Retouche with me
    • «Mouvement n°21 », exposition Retouche with me

    Collections publiques, acquisitions

  • Médiathèque de Saint-Herblain
  • 2014

    • Artothèque de Poitiers

    2004

    • Artothèque de l’École d’Arts Plastiques de Châtellerault

    Workshops, enseignement

  • Enseignante en Arts appliqués section communication visuelle
  • 2016

    • À l’occasion de de l’exposition Paper moon: visite d’atelier pour les étudiants et rencontres à la Galerie 5

    2010

    • Présentation du travail, visite d’atelier, étudiants classe préparatoire aux écoles supérieures de l’École Municipale d’Arts Plastiques de Cholet

    2008

    • Intervention en collège autour de l’exposition Moon mirrors présentée à l’École d’Arts Plastiques de Châtellerault

    2004

    • École d’Arts Plastiques, workshop - Châtellerault

    Écoles, formations

  • Écoles des beaux-arts de: Nîmes, Nantes, Angers - D.N.S.E.P. (1994)
  • Fantômes d’architectures, de corps, d’objets ou de paysages s’affrontent et se mêlent dans un duel ambigü, entre fiction et réalité, télescopage entre présence et absence.

    Jeux d’échelles, collision entre souvenir individuel, mémoire transmise et repères collectifs; projection mentale ou physique, tout semble se dérober à notre logique normalisée.

    Jeu de télescopage entre rêverie et réalité; installations, images photographiques, sculptures, objets…ne nous dévoilent- ils pas un monde aux apparences magiques doucement trompeuses qui serait beaucoup plus acide et amer qu’il n’y laisse croire?

    Sophie Hurié travaille sur la mémoire, parfois liée à des souvenirs d’enfance. Pour cela, elle recrée, recompose des lieux de vie grâce à des maquettes, à la photographie, à la projection ou par la combinaison de tous ces médias.

    Édition Paper moon - Le réel et plus encore ses lointains, ses fonds, ses dessous

     Aimons-nous la réalité telle quelle ? Assurément non, ou non toujours et uniformément. Car la réalité peut décevoir, faire souffrir. Elle a pour autre qualité négative de nous enfermer dans son propre système – un système rétif à l’imaginaire, aux divagations mentales, au secret, à ce qui se cache sous le tapis.

    Ouvrir la réalité, partir de son offre pour élargir nos rapports à l’instant présent ainsi qu’à tout ce qui encombre le présent tels que souvenirs, jeux de mémoires, connexions sensibles ou intelligibles… Telle est, rapportée à son élémentaire, l’essence de la création selon Sophie Hurié. Qui l’exprime sans détour : « mon travail d’artiste s’ancre sur le réel. J’en conserve, révèle des traces. Je crée de nouveaux univers jouant entre réalité et fiction. »

    La vie comme stratigraphie

    Sophie Hurié, artiste plasticienne – plus précisément dit manipulatrice d’images mais encore sculpteure et scénographe d’installations et d’environnements – aspire de façon résolue à l’expansion de la réalité, le concept comme le fait concret. En atteste sa série Visages (1998-2000), une de ses précoces réalisations, adoptant l’apparence de bien curieux portraits photographiques, mal lisibles.

    Des visages, ici, se superposent, se volent l’espace, se dévorent l’un l’autre ou pas loin. Chacun de ces visages est celui, portraituré, de l’artiste, dont chaque photographie de la série présente deux exemplaires différents, l’un de Sophie Hurié enfant, et l’autre de la même Sophie Hurié mais adulte. « L’enfant est le père de l’homme », écrivait Freud naguère, façon de signifier que l’adulte émane de l’enfant, de qui il fut lorsque, jeune encore, dans son temps de formation, il s’est vu soumis à l’empire du conditionnement familial et social. L’ambiguïté, d’emblée, « travaille » pour l’occasion le sens qu’il convient de donner à l’identité personnelle, à l’individu. Suis-je qui je suis, dans l’instant vécu ? Ne suis-je pas plutôt, au contraire, le produit de ce que je fus ? L’instant où je vis se profile comme l’expression d’un temps qui n’est pas tant le présent brut que la vie recomposée et vécue sur un mode mnésique autant amnésique, un état et un devenir tout à la fois, en un entrecroisement du maintenant et du passé.

    L’« espacetemps » concaténé

    L’ensemble de l’œuvre plastique de Sophie Hurié, depuis une vingtaine d’années à présent, respire et vibre de ce rapport complexe au temps tissé d’allers et retours, sinon du rapport même à l’espace-temps, « l’espacetemps » plutôt en un seul mot, comme l’écrivent les géophysiciens.

    L’artiste se plaît ainsi à raconter comment, enfant, en Angleterre où elle a passé plusieurs années, elle fut confrontée à divers faits anodins en apparence mais dont la fécondité ultérieure, en termes artistiques cette fois, allait se révéler décisive. Ainsi de la visite d’un village en réduction, une attraction touristique qui inspirera nombre de ses créations ultérieures, The Village (2009) notamment, installation ayant connu plusieurs développements sous forme de maquettes, de simulacres ou d’installations (installation au CAUE de Maine et Loire MATP d’Angers, près de l’autoroute, puis au Centre d’art la Chapelle Jeanne d’Arc, à Thouars, avec des atmosphères différentes). Encore, la vision de la série télévisée The Prisoner (1966, première diffusion en 1967), mettant aux prises, dans un univers à la fois normal et mystérieux, kafkaïen mais très commun pourtant, un agent secret interprété par Patrick McGoohan arrêté après qu’il a démissionné et interrogé sans relâche par des individus servant on ne sait quel pouvoir et dénués d’identité propre (tous portent en guise de nom des numéros). « Je crée de nouveaux univers jouant entre réalité et fiction. La fiction vient de la mise à distance, de la recomposition, du glissement de contexte et de sens. Elle se matérialise par des jeux de changements d’échelle, un choix de matériaux personnels, un détournement de fonctions. »

    L’installation The Village que crée Sophie Hurié, inspirée par ce double univers, multiplie à dessein les figures spectrales, les maquettes, les jeux d’ombre, l’effet de mystère, les photographies mal discernables de lieux à la fois banals et énigmatiques, en se jouant du spectateur tout comme la série The Prisoner, en son temps, se jouait du téléspectateur (aucune réponse tangible, jamais, uniquement des questions). Nous autres spectateurs du Village de Sophie Hurié, nous voici promenés au cœur d’une architecture prodigue d’incertitude qui n’est autre que celle de l’incertitude génératrice d’angoisse. « L’ensemble peut avoir un premier aspect ludique, notamment via la couleur, les formes et les prélèvements opérés », écrit l’artiste de l’univers de ses créations, mais entendons bien, le jeu a ses limites : « La lecture en est beaucoup plus ambiguë, l’idée d’enfermement, de monde clos, factice et surveillé est sous-jacente. La réalité sur laquelle je m’appuie est déstructurée et réinterprétée, les règles sont déjouées par rapport aux ‘’normes’’ afin de proposer des univers d’artifices. »

    Faire mystère, ou si peu

    Le monde de Sophie Hurié est celui des faux semblants productifs. Productifs de quoi ? D’interrogations sur nous-mêmes. Qu’attendons-nous du contact avec l’œuvre d’art ? Pourquoi voulons-nous au juste qu’elle soit ceci plutôt que cela ? N’aimons-nous pas être trompés, finalement, « baladés », comme l’on dit ?

    La finalité de l’art, dans cette optique, serait non de nous livrer la forme esthétisée du monde mais une « paraforme » plutôt, ou bien encore une « métaforme » – un à-côté ou un en-plus des choses. Non sans ironie douce, la série Tel Quel (2008-2014) de Sophie Hurié multiplie les photographies de fragments d’architecture dont on ne sait exactement à quoi ils renvoient, sinon à… l’architecture elle-même, sur le mode circulaire d’une concaténation tournant sur elle-même où le regard peine à entrer et trouver sa place. Le carton d’invitation de l’installation « Moon Mirrors » (Galerie de l’Ancien Collège, Ecole d’Arts Plastiques de Châtellerault, 2008), encore, présente à la vue un objet plastique abstrait saturé de transparences et de reflets – en fait, un des premiers modèles de caméra de surveillance rotative. Les sculptures abstraites aux formes pointues exposées dans la chapelle Jeanne d’Arc de Thouars (exposition « Un autre endroit », Centre d’art la Chapelle Jeanne d’Arc, Thouars, 2012) ? En réalité, ce sont là les répliques minutieuses des pinacles que comptait le toit de cette même chapelle jusqu’au 19ème siècle, des répliques disposées qui plus est à l’exact aplomb de l’endroit occupé par les pinacles initiaux… L’artifice, en l’occurrence, est à son comble. S’il n’interdit pas l’illusion, il ne s’en nourrit pas moins d’une situation pertinente. Où le faux prêche le vrai, un faux qui n’est d’ailleurs pas le faux mais la forme ambivalente d’un vrai revisité.

    Jeux d’abîme que ceux-ci ? Sans nul doute. Étant entendu que Sophie Hurié ne rend jamais le jeu gratuit. Une conspiration naît des formes qu’elle met en place pour l’œil et pour l’esprit comme on le ferait des pions sur l’échiquier d’un jeu sans règle précise. Évidence du sens, possible égarement et mouvements de balayage de type diagonale du fou, tout à la fois. La vérité est plus construite que donnée mais entendons bien, la voici en ces lieux construite sur du sable d’abord. Ici le roc du sens se dérobe sur le sable du visible, à moins que ce ne soit l’inverse.

    Encore – mais quel encore ?

    La réminiscence est, chez Sophie Hurié, une autre des entrées majeures de cette œuvre cultivant sans limite de genre ou de forme tout ce qui est de nature à « étranger » notre rapport au réel. L’ensemble des œuvres qui constituent l’exposition « Paper Moon » (Galerie 5, Angers, 2016), si besoin est, fournit encore la démonstration de cette volonté propre à l’artiste de rendre suspect l’évident, et floue la netteté. Présentation.

    Trois graciles flamands roses – ici de couleur blanche – s’ébattent mystérieusement dans l’espace longiligne de la galerie. Ceux-ci, de loin, affichent tous les traits d’une sculpture animalière stylisée, pas ennemie de la gracilité, dans l’esprit inspiré d’un François Pompon ou des Lalanne. Rapprochons-nous, l’occasion de distinguer que ces élégants volatiles de haute taille (deux mètres cinquante environ), connotant volontiers, dans nos esprits, légèreté et majesté, sont faits en napperons de dentelle de papier résinés, leurs ailes augustes y compris. L’usage du napperon, la confection soigneuse, le geste méticuleux ayant présidé à leur réalisation évoquent d’emblée un artisanat poussé, requérant beaucoup de temps et de patience pour être accompli, d’inspiration domestique. Le type même de travail que la société industrielle a déclassé en termes de productivité et de rendement et que la société postindustrielle, dans la foulée, a fini de rendre archaïque, décalé et exotique, réservé à la consommation touristique – l’ouvrage des Pénélope qu’étaient nos arrières-grands mères courbées sur leur patron et leurs canevas, dentellières et autres grandes spécialistes de la lisse.

    Que Sophie Hurié vive à Angers, dont le château recèle l’extraordinaire tapisserie médiévale de l’Apocalypse, est-il de nature à nous éclairer sur son choix d’une activité artistique en lien avec le genius loci et la grande tradition lissière locale ? Pas de réponse sûre quant à une possible influence, à ceci près que le thème du canevas, de nouveau, se voit décliné dans les autre pièces s’exposant ici, en rapport direct ou biaisé avec ce dernier. Une dizaine de « tableaux » de grand format aux airs de monochromes de diverses couleurs, en fait, s’avèrent être des photos de canevas réels considérablement agrandis. Le mécanisme de l’agrandissement informe sur l’origine numérique de ces photographies, la trame du canevas tendant à s’y pixelliser. À cet ensemble clairement tramé, enfin, s’ajoute un autre ensemble de visuels de très grand format (deux mètres sur trois environ), très frontal, au contenu moins explicite a priori : des vues de nature, fragmentaires, estampillant des fonds en apparence unis. Là encore le canevas est présent, quoique des plus discrets, décelable notamment à travers les trames serrées formant chaque fond d’image. De nouveau un canevas agrandi au point d’être rendu flou, dont le réseau évolue aussi vers le pixel, cette base numérique de la construction des images contemporaines.

    Beau trouble et tremblement – artiste promène-moi

    Mise en scène conjuguée d’un monde du labeur et du goût qui a fini par se perdre ou presque, périmé par l’histoire des techniques et son évolution, et du temps d’autrefois qui, dans nos têtes, ne veut pas mourir, et fait retour ? « Ma démarche artistique établit des liens avec l’architecture, la végétation, parfois le mobilier urbain et pose la question de l’ornement et de son rapport à la fonction. », dit l’artiste, qui précise : « La mémoire est un élément important dans mon travail. Certaines créations font appel à une mémoire commune mais peuvent également se référer à des éléments liés à des souvenirs plus personnels. » Constants allers et retours entre ce qui est et ce qui nous marque au fer, entre présent et séjours réitérés de notre mental vers les profondeurs mnésiques. Proust et Zola mariés, mémoriaux et naturalisme d’un même allant, pourrait-on dire en utilisant l’analogie littéraire.

    L’univers créatif de Sophie Hurié, plus que nous entraîner vers les formes abêties de l’expression – l’opinion, la foi, la propagande – trace un sillon où une chance est laissée au spectateur d’hésiter. Cette offre d’une hésitation de la perception soulage des diktats en tous genres qui corsettent notre construction mentale, de plus en plus élaborée du dehors et soumise au contrôle, comme on ne le sait que trop. Il faut aimer cette invitation. Elle nous suggère, à tout le moins, d’être libres de nos choix, à défaut d’être sûrs de leur valeur.

     

    Paul Ardenne

    Entretien avec Sophie Hurié Stop Look & Dream du 08 juin au 27 juillet 2013 Galerie RDV

    — RDV : La plupart de tes œuvres se construisent à partir d’éléments personnels issus de tes souvenirs ; mais tu les développes par le biais de changements d’échelles ou encore de fonctions. Quelle est la part de fiction dans ton travail ? La caractériserais-tu « d’autofiction » ?

    Sophie Hurié : Certaines créations se réfèrent effectivement, de façon plus décelable, à des éléments liés à des souvenirs personnels. L’exposition Stop look & dream en est un exemple. D’autres font plus appel à une mémoire commune. J’en conserve, révèle des traces. Le travail s’ancre sur le réel. La fiction vient de la mise à distance, de la recomposition, du glissement de contexte et de sens. Elle se matérialise effectivement par des jeux de changements d’échelles, un choix de matériaux personnel, un détournement de fonctions. Le « trompe l’œil » peut être présent dès le processus de réalisation. Je pense à l’utilisation de la maquette, qui est une étape intermédiaire, mais qui ne sera pas présentée. Moon Mirrors, en est l’exemple. Le dialogue, dans l’espace, entre les différentes pièces renforce cet artifice créé. Je souhaite que l’on soit immergé dans un paysage énigmatique, parfois fantomatique de par ses réminiscences. Les romans de la japonaise Yoko Ogawa jouent -à mon avis – sur des registres similaires. Ces mondes étranges, tel celui convoqué dans La petite pièce hexagonale, mais aussi dans nombre de ses récits, nous transportent dans d’autres univers.

    Dans certaines de nos sociétés la fiction ne rejoint-elle pas la réalité ? Quand nous observons ces villes habitées construites de toute pièce, notamment en Asie, répliques de villes d’autres continents, où se situent les limites entre réalité et fiction ?

    — Alors que l’ornementation est en architecture l’agrémentation ou l’embellissement d’une structure, tu sembles employer l’ornement et l’artificiel comme base de tes productions…

    L’artificiel est au cœur de mes réalisations. L’architecture, souvent convoquée, se retrouve transposée. Le Mont St Michel devient une énorme sculpture en papier tel un décor « carton pâte » dans l’installation Moon Mirrors. La Grande roue, le Sacré Cœur…, ces monuments, ne se retrouvent-t-ils pas quelque peu ridiculisés par leur transposition via de petites maquettes en papier blanc ?

    Ces constructions fragiles servent de support à leur image d’origine, projetée sur la maquette, photographie décalée par l’éclairage doucement acidulé. Ces objets deviennent de grandes images, telle une tapisserie recouvrant les murs.

     

    — La définition de Gilles Clément du paysage -« ce que nous gardons en mémoire après avoir cessé de regarder ; ce que nous gardons en mémoire après avoir cessé d’exercer nos sens au sein d’un espace investi par le corps »- semble correspondre à ton rapport à l’espace invoqué au sein de ta pratique artistique.

    Effectivement à la lecture de Jardins, paysage et génie naturel, texte retranscrivant la leçon inaugurale de Gilles Clément au Collège de France, j’ai été interpellée notamment par cette définition du paysage. Partir de la mémoire est très relatif. Sur quoi nos souvenirs se basent-ils ? Des images ?, des mots ?, des histoires relatées ? Où est la part du réel et celle du fictif ? Est-ce identifiable, dissociable ?

    Il est intéressant d’étudier la définition selon Gilles Clément de l’environnement, mot emprunté à l’anglais dont tous les éléments ont à voir avec le « vivant », où nous sommes désolidarisés du « vivant alentour ».

    Il explique que la langue espagnole utilise medio-ambiante, « milieu ambiant », qui suggère un état d’immersion plutôt qu’une mise à distance. Le jardin signifie à la fois l’enclos et le paradis qui lui même se réfère à l’idée « d’enclos ». Ces notions m’interpellent.

     

    — Le végétal occupe une place importante dans tes recherches, je pense notamment à l’œuvre Rideau, exposée au sein de Stop Look & Dream, qui reprend des motifs floraux. Quelles valeurs et significations emploies-tu dans l’utilisation de ces références végétales ?

    Cette relation au végétal est sous jacente dans mon travail depuis quelques années. Je pense à un élément qui m’a interpellée lors de la conception de The Village. Il s’agit d’un hortensia présent dans les diapositives d’origine, prises lors d’une visite, enfant, en Grande-Bretagne, dans ce village miniature. En zoomant dans ces documents je pointais des minéraux, des végétaux, mais qui étaient détournés dans cet univers miniature de maquettes. Une série d’images en témoignent et sur l’une d’entre elles, bien entendu, figure cet hortensia. Il s’est alors imposé comme motif vivant, et à la fois artificiel, comme dans la signalétique réalisée au CAUE pour la présentation de The Village[1]. Il devient un élément à part entière et « vivant » dans la pièce Bonjour chez-vous, ici présentée. Cet élément n’établit pas uniquement un lien visuel et formel entre certaines pièces. Il nous raconte déjà une histoire. Cette plante, que l’on pourrait qualifier de « remise au goût du jour » depuis peu, pour plus d’un entre nous se réfère au passé, à quelque chose de « vieillot », mais aussi et surtout, touche à notre affect, nos souvenirs d’enfance. Une certaine bienveillance s’instaure.

    Mes dessins de la série R.T. jouent également sur cette ambivalence entre la référence au vivant et à l’artifice que cela soit par le choix des végétaux, la composition, le cadrage ou bien entendu la couleur. Dans la pièce que tu évoques, Rideau Pink house, le motif floral semble faussement s’animer par ce « rideau trompe l’œil ». Où se situe l’artifice, où se situe le vivant ?

     

    — Tes productions ont un premier aspect ludique, notamment en raison de ton utilisation de la couleur et de l’univers proche de l’enfance qui s’en dégage. Elles ne peuvent pourtant pas être qualifiées d’enfantines et semblent induire un emprisonnement latent, une réflexion plus ambivalente.

    Effectivement cette ambiguïté est au cœur des univers que je propose. La réalité sur laquelle je m’appuie est déstructurée et réinterprétée, les règles sont déjouées par rapport aux « normes » afin de proposer un univers d’artifices. Ce monde séduisant au premier regard pose question. The Prisoner (Le Prisonnier), série télévisée anglaise produite et interprétée par P. Mc Goohan et diffusée à partir de 1967, est, pour moi, un élément de référence indéniable. Cette série, incomprise par un grand nombre dans les années 60, me semble toujours totalement d’actualité. Elle soumet au regard un décor séduisant mais qui ne s’avère être que l’ « enveloppe », une « cage dorée », un simulacre. La surveillance est omniprésente, l’espace n’y est pas matériellement fermé, tout y est organisé. Cet univers « trop beau pour être vrai » n’est que supercherie et simulacre. L’Homme y devient un pion. Mc Goohan ne réussit-il pas, notamment, à matérialiser cette pensée via l’échiquier à échelle humaine ? Ces préoccupations se retrouvent chez Bruce Bégout, tel dans ses essais Zéropolis et Lieu Commun. S’appuyant sur nos mondes factices, de « décorum », il y décortique nos antagonismes.

    Dans son recueil de nouvelles Sphex, il nous plonge dans un univers imaginaire bien acide.

     

    La fiction s’appuie sur notre quotidien en proposant une certaine poétique.

    Cette sensation « dérangeante » est peut-être plus perceptible au premier contact de certaines de mes installations. Lors de la première présentation de The Village1, j’ai voulu jouer sur cette ambiguïté dès les abords du bâtiment via le nom de l’installation. Ce bâtiment tout en longueur, impressionnant par son architecture des années 30, bordant un axe routier, jouxtant alors le chantier de l’autoroute, avec à l’époque un « espace vert abandonné », en friche, et ne bénéficiant d’aucune signalétique, était très mystérieux pour le riverain. J’ai donc décidé de jouer sur l’inscription de The Village sur les volets du lieu (lettres très grandes, une par volet) ; visible depuis la route. Interpellé, le riverain pouvait se questionner sur le sens à donner à ces lettres en impressions végétalisées très colorées (les lettres reprenaient le motif d’hortensias roses) telles une signalétique sur ce lieu clos aux volets fermés. Qu’est-ce ?, le nom du lieu ?, des occupants du bâtiment ?… L’ambiguïté de sens apparaît dès que l’on pénètre l’installation, espace plongé dans le noir, où se laissent découvrir des projections, dans lequel le corps du spectateur est indissociable et happé. Ce sentiment d’enfermement, de malaise, de déstabilisation était encore plus perceptible lors de la mise en place, au cours de l’hiver 2012- 2013, de cette installation au Centre d’Art de La Chapelle Jeanne d’Arc à Thouars, où le spectateur devait accéder au sous-sol, se retrouvant dans un espace plus clos, plus intime.

    Ce subterfuge, entre monde magique et surveillance, est au cœur de l’installation Moon Mirrors. Lors de sa présentation à l’École d’Arts Plastiques de Châtellerault, en 2008, le nom choisi ainsi que le carton d’invitation annonçaient toute l’ambiguïté. L’interprétation faite par chacun du visuel en témoignait et devenait un jeu pour moi. Il s’agissait d’une caméra de surveillance, factice, demie sphérique qui avait été le support, par le jeu des reflets, de l’installation que j’avais réalisée en maquette et que j’avais prise en photo. Le nom de l’installation, Moon Mirrors, joue, comme mes productions, sur ce double aspect difficilement perceptible mais sous-jacent. Ici ce titre qui donne une intonation poétique est en fait issu du nom d’une caméra de surveillance ! Peu l’auraient deviné !

    Notre société présente des micros espaces de vies qui en sont proches. Si l’on se réfère à ces regroupements d’habitations, clos, et surveillés 24 heures sur 24, notamment par des caméras, où des personnes choisissent de vivre, ne sommes-nous pas dans ces univers incroyables et pour, nombre d’entre nous, inimaginables ?

     

    — Le titre de ton exposition Stop Look & Dream doit-il être considéré comme une injonction ?

    Ce titre est à entendre comme une proposition, une incitation, une suggestion. Le mot lui-même « dream » (rêver) sou tend une ouverture, un choix individuel. Il serait donc contradictoire que cela soit compris comme une injonction. Je donne des pistes qui laissent une liberté d’interprétation. Ce titre est issu de l’idée de déclinaisons, à partir de Stop look & listen. Je m’appuie sur un badge de la sécurité routière des années 70 en Angleterre sur lequel figurait l’inscription Stop look & listen before crossing the road. J’ai opéré un prélèvement afin de créer la pièce qui porte le même titre, Stop Look & Dream, et présentée dans l’exposition. La réinterprétation, opérant une mise à distance, apparaît par le détournement de fonction, de matériaux, d’échelle, et de sens. Le titre est plus à comprendre comme une invitation à la découverte, à la rêverie.

     

    Stop look & Dream reprend un ensemble photographique que tu as précédemment exposé ainsi que des œuvres en volume et des dessins inédits. Comment as-tu articulé ce choix de pièces ?

    Le dialogue entre les volumes réalisés pour l’exposition, les dessins et la série photographique The Village, me semblait intéressant. Différents liens s’établissent entre ces mondes d’artifices.

    L’installation, constituée de ces volumes, proposant un étrange univers avec des jeux d’échelles troublants, trouve naturellement échos dans les photos. Elles nous plongent, déjà, dans un univers miniature non perceptible au premier regard puisque, issues d’un « model village», réplique en maquette du village dans lequel elles s’inscrivent. La mise en abîme, ici, est aussi un jeu que l’on retrouve souvent entre mes pièces. La relation de mes souvenirs liés à l’Angleterre est également présente. La pièce Bonjour
    chez-vous
    apparaît comme un élément pivot entre les différentes pièces (dessins, photos, volumes) ; clin d’oeil à un élément de signalétique emprunt à un « village artificiel », celui de The Prisoner, et incluant un élément vivant, l’hortensia.

    Les textes des panneaux présents dans les photos, « Please keep off the grass », ne pourraient-ils pas s’adresser au spectateur qui circule dans ce paysage en trois dimensions et emprunt de fragilité ? Et comment interpréter « Stop look & listen » inscrit sur un volume, et sa relation aux autres pièces ?

    — Propos recueillis en juin 2013 par Léa Cotart-Blanco

    — Exposition réalisée avec le soutien de la ville de Nantes, du Conseil Général de Loire-Atlantique, du Conseil Régional des Pays de la Loire, du Ministère de la Culture et de la communication-DRAC des Pays de la Loire

    — Exposition réalisée en partenariat avec ParisART

    — Galerie RDV – 16 allée du Commandant Charcot – 44000 Nantes – France. Galerierdv.com

     

    Léa Cotart-Blanco / Sophie Hurié

    Sophie Hurié, Un autre endroit, Centre d’art la Chapelle Jeanne d’Arc, Thouars, du 1er décembre 2012 au 10 mars 2013

    Pour la première fois depuis que des artistes contemporains sont invités à porter leur regard sur l’architecture néo-gothique de la Chapelle Jeanne d’arc, c’est de l’extérieur du bâtiment dont il est question aujourd’hui. En effet, Ce sont les pinacles qui couronnaient autrefois le haut des murs extérieurs qui ont initialement retenu l’attention de Sophie Hurié. Viollet-le- Duc décrit en ces termes ces éléments symptomatiques de l’architecture gothiques dans son Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIème au XVIème siècle (1854 – 1868) Pinacle : Couronnement, «finoison», comme on disait au XIVème siècle, d’un contre-fort, d’un point d’appui vertical, plus ou moins orné et se terminant en cône ou en pyramide (…).D’abord peu développés ou en forme d’édicules, ils prennent, dès la fin du XIIème siècle une assez grande importance; puis au commencement du XIIIème siècle, ils deviennent souvent de véritables monuments. Comme tous les membres de l’architecture de ce temps, les pinacles remplissent une fonction : ils sont destinés à assurer la stabilité des points d’appui verticaux par leur poids; ils maintiennent la bascule des gargouilles et corniches supérieures; ils arrêtent le glissement des tablettes des pignons; ils servent d’attache aux balustrades; mais aussi leur silhouette toujours composée avec un art infini, contribue à donner aux édifices une élégance particulière.

    A la Chapelle Jeanne d’Arc, les pinacles ont disparu et seules des photographies anciennes nous rappellent leur souvenir. C’est donc à un état ancien du bâtiment, que Sophie Hurié s’intéresse lorsqu’elle entame la recherche qui la conduit à créer vingt modules (nombre des pilastres disparus), qu’elle dispose sur le sol de la nef selon un schéma qui vient souligner la structure et le rythme de l’architecture en adoptant les emplacements des colonnes, fenêtres et autres éléments comme repères, tout en laissant néanmoins une part de hasard dans l’orientation des sculptures.

    En ressuscitant les pilastres, dont Viollet-Le-Duc nous dit qu’ils étaient conçus autant pour leur utilité que pour leur aspect décoratif, Sophie Hurié pose la question de l’ornement et de son rapport à la fonction. Dans le cas de la Chapelle Jeanne d’Arc, archétype d’une architecture néo-gothique tournée vers le passé au moment de sa conception, la fonction des pinacles n’était pas essentielle puisque leur disparition n’a occasionné aucun effondrement. C’est donc la dimension factice de toutes les formes de “néo”, qui est mise en relief ici, ainsi que leur caractère éphémère relativement à l’original.

    Partant du motif figuratif qui orne habituellement les pinacles, Sophie Hurié est parvenue à force d’épure à une forme simple et non décorative, dans laquelle chacun peut projeter ses propres images, depuis les alignements de Carnac jusqu’au toit du Chrysler Building. Mais ce rapport entre l’original et l’artifice s’est trouvé renforcé lorsque l’artiste a découvert qu’en langue anglaise, le mot “pinnacle” désignait des concrétions rocheuses verticales dressées depuis plus de 50 000 ans dans des déserts de l’hémisphère sud. Exceptionnelle analogie homonymique et formelle qui donne aux sculptures de Sophie Hurié une portée encore plus expressive. Patiemment assemblées par la main de l’artiste, inspirées d’éléments architecturaux factices et disparus, les sculptures évoquent des créations ancestrales et indestructibles de la nature. On ne pouvait rêver réponse plus poétique à l’invitation qui avait été faite à Sophie Hurié d’abonder ce «commentaire du commentaire» qui définit tout le projet artistique du centre d’art. Au sous-sol, Sophie Hurié reprend The Village, un projet plus ancien qui recrée au moyen de projections de lumières et de formes architecturales en carton, un village miniature que l’artiste a visité lorsqu’elle était enfant en Angleterre. Cette installation, qui questionne l’échelle et l’artifice, rappelle l’univers de la série télévisuelle hallucinée des années 1960 The Prisoner (Le Prisonnier).

    Jean-Luc Dorchies

    Heureux qui comme Ulysse…
    Fée C. P. 21-07-2010 - 2023