Artistes

Benoît Travers : lives in NANTES, works in NANTES.

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Ébrèchement blanc

Ébrèchement blancStudiobenoittravers

PHOTOS / VIDÉO ÉBRÈCHEMENTS ABRIS #1, 2022

PHOTOS / VIDÉO ÉBRÈCHEMENTS ABRIS #1, 2022A space for photography & studio, Arles, Nantes

Workshops Performance

Workshops PerformanceEcoles d'Art, Scènes Nationales, Musées, Conservatoires, Lycées, Festivals ...

Ébrèchement abris #2

Ébrèchement abris #2Studiobenoittravers

WALKIE-TALKIE #3

WALKIE-TALKIE #3ZOO GALERIE

Jamais Toujours / Brumes, performances

Jamais Toujours / Brumes, performancesMusée de la mode Hasselt, Belgique, Musée Jean Lurçat, Angers

Exposition SCROLLOPHAGE

Exposition SCROLLOPHAGEA space for photography, Arles

Vidéo Performance Citérythmie

Vidéo Performance CitérythmieCité des Congrès, Nantes

Expositions, Under the Sand / Oeuvres, VIDEOS

Expositions, Under the Sand / Oeuvres, VIDEOSTextes Marion Zillio & Clara Muller, Nantes, Gafsa

Machoire Performance poésie / batterie

Machoire Performance poésie / batterieLes huit Pillards, Marseille, Wave, Nantes

Exposition Sorties d’ateliers

Exposition Sorties d’ateliersGALERIE MELANIE RIO FLUENCY, NANTES

Ebrèchement pORsche – solo show

Ebrèchement pORsche – solo showEcole des Arts, Cholet

Exposition ETNANTESETNANTESETNANTES

Exposition ETNANTESETNANTESETNANTESAmis du musée des Arts de Nantes, Atelier Ville de Nantes

Performance Faire acte de présence

Performance Faire acte de présenceLe MAT, Centre d'art contemporain du Pays d'Ancenis, Ancenis, Montrelais

Ébrèchement échafaudage – solo show

Ébrèchement échafaudage – solo show, 2018Ateliers Bonus, Ville de Nantes

Ebrèchements Live – Performances / Créations sonores

Ebrèchements Live – Performances / Créations sonoresSaint Nazaire, Nantes, Rennes, Brest

HYPNOTONIC DRUMMING, Live Web, Vidéo 8’08
8,08

HYPNOTONIC DRUMMING, Live Web, Vidéo 8’08Festival PERCUS MADNESS#8

Ebrèchements blancs, sculpture

Ebrèchements blancs, sculpture, 2020Galerie RDV, Ateliers Bonus, Nantes

Exposition, Faire acte de présence #2

Exposition, Faire acte de présence #2Galerie La Gâterie, La Roche sur Yon

Used up thoughts, performances poésie-batterie

Used up thoughts, performances poésie-batterieLe Quartier, CRAC Alsace, ESA Paris, Au Bout Du Plongeoir

Walkie-Talkie #1,#2 performance texte & voix

Walkie-Talkie #1,#2 performance texte & voixL'Atelier Ville de Nantes , Le PAD, Angers

Ébrèchements

Ébrèchements, 2020Saint-Nazaire, Nantes, Rennes, Brest

Textes critiques / Marion Zillio, Mya Finbow, Clara Muller, Adeline Têtue, Anne Lou Vicente

Textes critiques / Marion Zillio, Mya Finbow, Clara Muller, Adeline Têtue, Anne Lou VicenteExpositions Métaxu, Ebrèchement échafaudage, Ebrèchement porsche

Ebrèchement vêtements

Ebrèchement vêtements, 2016-2019Oxford Street, Place de la République, London, Paris

Mon week-end à Paris avec mon ami Ronan, Performance voix batterie

Mon week-end à Paris avec mon ami Ronan, Performance voix batterieGalerie G39. Cardiff - Grande Bretagne, Exposition We’re not here to give your pleasure

IphoneTextos performances & éditions #1 #2

IphoneTextos performances & éditions #1 #2Au Bout Du Plongeoir, Rennes

Mapple Custom Deskjet, performance traceurs & batterie

Mapple Custom Deskjet, performance traceurs & batterieMidi Minuit Poésie Débordements, Galerie de L'ESBANM, Digital Campus, Rennes

Entretien audio / Jet FM / MPVite

Entretien audio / Jet FM / MPViteAssociation MPvite / Ceci n'est pas une pipe / par Marines Combes

Entretien vidéo avec

Focus

by Pierre Fournier Le Ray

published on 12.07.2023

Group exhibitions

  • Publications, broadcasts

    2019

    • «Ebrèchement De la certitude - Mya Finbow - Galerie RDV - Article Pointcontemporain.com», http://pointcontemporain.com/benoit-travers-ebrechement-de-la-certitude/
    • «Ebrèchement - Article de Clara Muller, critique d’art, », http://pointcontemporain.com/benoit-travers-ebrechement-echafaudage-ateliers-bonus-nantes/
    • «Ebrèchement - Article de Clara Muller, critique d’art, », http://pointcontemporain.com/benoit-travers-ebrechement-porsche/

    2018

    • «Métaxu, Le séjour des formes, Texte de Fatma CHEFFI et Marion ZILIO», http://under-the-sand.org/wp-content/uploads/2017/09/dp-métaxu-20_11_20171.pdf
    • «Avant la poussière, Texte de Marion Zillio », http://under-the-sand.org/wp-content/uploads/2018/01/DP-avant-la-poussière-160318.pdf
    • «Avant-la-poussiere-au-lieu-unique-lexperience-du-territoire, Texte de Julien Verhaeghe, critique d’art, Inferno », https://inferno-magazine.com/2018/02/27/avant-la-poussiere-au-lieu-unique-lexperience-du-territoire/

    2017

    • «Catalogue du P.C.P Pôle de création partagée », La roue libre édition collaborative / Saint Nazaire
    • «Catalogue Faire acte de présence», Edition Galerie, La Gaterie

    Workshops, teaching

    2019

    • Sculpture-Action, chargé de cours, EESBA TALM, Angers, invité par Marie-Haude Caraës et Etienne Poulle

    2017 - 2020

    • Intervenant Pédagogique - Accompagnateur danse, Pont Supérieur de Nantes

    2005 - 2020

    • Professeur de percussion/batterie, Accompagnateur danse - Formateur musical danseur - Conservatoire de La Roche sur Yon - CYEL

    2016

    • Accompagnement de pratique en danse contemporaine dans le cadre des cours et ateliers de Marion Ballester et examens d’entrée - C.N.D.C, Angers

    2011 - 2016

    • L’art de s’autoriser à ... avec Dominique Petit , Ateliers Performance du Conservatoire / Week-Ends Performatifs, association Métamorphose - La Roche sur Yon

    2003

    • Kaïros, expérimentations et workshops, avec Julien Quintel, Laurie Peschier-Pimont, Dominique Leroy, Marie-pierre Ducoq, Marina Pirot, Rezé

    2000 - 2003

    • Espaces d’improvisations, encadrement d’improvisation pour danseurs, plasticiens, musiciens, invité par Bertrand Gauguet, avec Benoit Sicat, Gwenaelle Rébillard, Atelier d’artiste, Ville de Rennes

    Education, training

  • Ebrèchement De la certitude

    Ébrèchement De la certitude. Mya Finbow © 2019

    Benoit Travers propose à RDV un morceau de son projet Ébrèchements, résultat de plusieurs phases de recherches, de créations et de résidences menées précédemment.

    Benoit Travers métamorphose l’objet ordinaire. D’un geste unique il le mutile. Progressivement, l’origine de l’objet s’altère. L’objet perd son objet. Des œuvres aux contours flous se dessinent,  un dispositif radical se construit.

    Machinalement, l’artiste actionne une opération soustractive de l’œuvre. Il invoque la présence conceptuelle et poétique de la pensée du philosophe L.Wittgenstein, pour qui l’homme n’est pas un être de la pensée mais de l’expérimentation. Et c’est en ce sens, que les œuvres de l’artiste deviennent le langage de l’action, son avoir lieu.

    Ce processus de désœuvrement devient le développement complexe des expressions primitives de Benoit Travers. Et peu à peu, nous appréhendons les règles qui donnent leurs sens aux sculptures de l’artiste. 

    Ainsi sur un débris d’aile de voiture trouvé dans une décharge à Gafsa, Benoit Travers vient impacter la tôle et fait s’éclater la peinture. Un mot apparait. Clonisation. Mais, comme si nous étions victime d’un trouble visuel, la transposition est quasi automatique et les lettres indélébiles viennent sonder nos mémoires de l’oppression coloniale.

    C’est aussi à Gafsa, en se promenant aux abords de la ville, que Benoit Travers remarque une voiture abandonné près d’un oued. Instinctivement, l’artiste entame un processus de dégradation. La tôle absorbe et fait résonner les coups de l’artiste qui martèle durant quatre heures d’un rythme effréné, frôlant l’asthénie.

    Ici, l’écran d’acier souffre des mêmes stigmates et, sans doute dans une démarche de remise en cause des codes de la documentation artistique, devient le témoignage de cette action. 

    Ailleurs c’est au matériel de chantier que Benoit Travers s’attaque. D’un seul geste, il cogne sur notre connaissance du monde et échafaude une technique de modification du signifiant.

    Dès lors, la palissade de chantier ne clôture plus la zone de travaux, les socles ne soutiennent plus la palissade et le poteau de signalisation n’a plus rien à signaler. Les pièces sont désormais silencieuses et deviennent la restitution de l’expérience de l’action, un mécanisme documentaire faisant œuvre.

    En contournant la palissade, un tout autre travail se dévoile. Une colonne mouvante se dresse dans  le passage, gênant presque notre progression dans l’espace.  Toutefois, la matière n’est pas aussi inflexible qu’elle n’y parait quand on aborde l’installation totémique qui lui fait écho. Celle-ci se réfère inéluctablement à la culture traditionnelle africaine absorbée par l’artiste lors de ses multiples voyages quasi initiatiques. Les morceaux de tissus débordant du papier corroborent l’idée de la transgression de la matière. Néanmoins, le caractère impalpable des pièces apportent une dimension plus onirique au travail de l’artiste. Comme ce livre bordé d’un halo noir, apparut accidentellement et dont la manipulation se révèle chimérique. Sur les livres de Wittgenstein recouverts d’une feuille de plomb, Benoit Travers entaille le papier. Les pages entremêlés se tournent, comme un événement imprévisible, irréversible. Il est impossible de manipuler ce livre ordinairement, d’en maîtriser le cheminement d’une lecture linéaire. Et le travestissement de la certitude révèle sur l’artiste une appétence accrue pour l’inconnu. 

    Plus loin, des câbles lacérés au sabre prennent l’apparence d’une couronne d’épine en référence à l’un des évènements déclencheur de la révolution tunisienne. Tandis qu’une autre plaque d’acier martelée réinvestit une action menée par un anonyme à Hambourg qui avait recouvert de peinture or une Porsche calcinée. 

    Oscillant entre poésie et politique le travail de Benoit Travers contient des dimensions d’imprévisibilité et d’aléatoire, refusant le strictement établis. Et finalement, l’ébrèchement est pour lui le geste fondateur de ses actions et de sa pensée, avec lequel il fabrique un système symbolique qu’il a envisagé comme jeu de langage.

    Mya Finbow, 2019

    Confiné.e.s #2, Entretien avec Benoît Travers

    Entretien avec Benoît Travers

    Suite à ses études aux Beaux-Arts de Rennes puis au California Collège of Art and Craft de San Francisco et de musique, Benoît Travers définit son champ artistique autour de la performance, souvent publique, de la sculpture, mais aussi de la musique. En effet l’artiste, en parallèle de son travail plastique est également percussionniste.

    Quelles sont les inspirations ayant marquées ton travail  ? 

    Les artistes, plasticiens, musiciens, danseurs, chorégraphes, metteurs en scène, poètes, philosophes, écrivains … et bien d’autres

    Jospeh Beuys, Marina Abramovich, Francis Alys, Mona Athoum, Laurent Tixador, Abraham Poincheval, Clédat et Petitpierre, Fréderic Ollereau, Richard Deacon, Tony Cragg, Richard Long, Anthony Caro, Pier Paolo Calzolari, Mario Merz, Robert Smithson, Robert Morris, Allan Kaprow, Bruce Nauman, John cage, Steve Reich, Georges Perec, Christophe Tarkos, Charles Pennequin, Bernard Heidseick, Hubert colas, Xavier Leroy, Dominique Petit, Mark Thompkins, Loic Touzé, Latifa Laabissi, Trisha Brown, Séga Sidibé, Papa Jo Jones, Tony Allen, Magik Malik, E.S.T, John Zorn, Bernard Purdie, Medesky Martin & Wood, Philippe Gleize, Chris Dave, Jim Black, Slum Village, Common, Antipop Consortium, Tank and the Bangas, Amon Tobin, Ludivg Wittgenstein, John Dewey, John Austin, Tim Ingold, Robert Filliou, Donna Araway, Edouard Glissant, Alain Badiou, Pier Paolo Pasolini…

    J’aimerais que tu nous racontes comment es né ton intérêt pour la percussion, et comment il s’est entre-mêlé à ta pratique artistique : 

    L’année de mon entrée aux Beaux-arts j’intègre la compagnie de danse afro-contemporaine en tant que percussionniste, je fais déjà de la batterie rock. Dans ce cadre de création, j’étudie, à Bamako auprès du maître percussionniste Séga Sidibé les rythmes traditionnels du Mali, l’accompagnement de la danse en développant le lien entre danse et musique. J’expérimente le travail chorégraphique en France et en Afrique de l’ouest ce qui nourrit ma pratique de la sculpture et de la performance naissantes dans mon parcours aux Beaux-Arts. La place du corps dans le travail devient prépondérante et la performance devient le langage principal de mon parcours d’étudiant.

    Depuis je travaille depuis plus d’une vingtaine d’année comme percussionniste pour la danse contemporaine avec de multiples collaborations notamment Dominique Petit, danseur dans la Cie Akram Kahn, ancien danseur de Carolyn Carlson et grand pédagogue reconnu dans le milieu chorégraphique. C’est son expérience très fine de l’improvisation que nous partageons pendant plusieurs années de travail en duo. Nous mutualiserons nos pratiques de la performance et de la danse en créant les ateliers performances au Conservatoire de La Roche-sur-Yon. Dans ces contextes de création ou de transmission, l’action, le geste, le rythme ne font souvent qu’un.

    Cette expérience au long cours à ainsi fait apparaitre la fabrication d’objets d’abord pour des performances par un geste unique rythmique, hypnotique, une action principale à chaque fois: marteler, couper, déchirer, scier…formant une partitions des gestes au fil des ces métamorphoses répétitives.

    Face à tes pièces, on est rapidement confronté à la dimension sonore et à la notion d’épuisement physique, et peut-être même de transe. Considères-tu l’engagement physique comme un aspect important de tes oeuvres ? 

    Comme je l\’ai décrit plus haut, le geste, la présence, le rythme sont les expériences fondatrices du travail. Souvent, une fois la phase de maturation d’un projet passée, je travaille assez vite à la réalisation, c\’est-à-dire que je concentre une grande énergie en peu de temps. C’est pourquoi l\’épuisement, ou cette sorte d\’hypnose par la répétition d’un geste choisi, me permet de passer outre la fatigue et d’expérimenter des états physiques successifs. Cela oscille du désoeuvrement à une sorte de frénésie, et s’étale de quelques heures à plusieurs semaines. Ebrèchement échafaudage a, par exemple, demandé plus d’un mois de martèlement !

    Outre les vidéos et les performances qui donnent à voir directement ces états physiques, les sculptures sont cependant des oeuvres qui ont leur autonomie à part entière. L’action y est intrinsèque et affirmée mais place est faite alors au spectateur, à sa déambulation, son regard et son imaginaire avec l’oeuvre dans un espace disponible ou le son et la tension sont induits par le silence et l\’immobilité.

    Les matériaux que tu utilises sont-ils issus de rencontres hasardeuses ? Ou as-tu une certaine affinité avec ces objets qui t’amène à les travailler par la suite ? 

    C’est en effet par une rencontre hasardeuse avec une plaque d’inox trouée et trouvée dans un jardin qu’est revenue la pratique de l’objet. J’y ai inscrit par martelage au poinçon sur l’envers de celle-ci cette phrase : Faire Acte de Présence. Les impacts ressortent en positif comme pour affirmer vigoureusement cette expression à double sens qui d’elle même peut s’annuler…tomber à l’eau. Pendant des années, ce premier objet accompagnait une performance où je mettais en jeu, avec une autre personne collaboratrice, un dialogue sur la présence physique, des problématiques de langage et d’interprétation immédiate du contexte lui-même. J’ai ensuite travaillé avec une palette de bois, puis une échelle, deux objets à échelle du corps trouvés un lieu une galerie d’art. Le projet n’a pas été de faire une exposition, mais de transformer la galerie en espace de production et de travailler, entre autres, à partir de cette échelle et de cette palette de bois. De là s’est mis en place une collecte d’objets servant de matière première au travail. Des affinités s’affirment pour des objets confectionnés d’un seul tenant en métal ou plastique pouvant êtres dépliés par exemple, ou des objets structures comme l’échafaudage. Il ne s’agit pas d’utiliser des matériaux pour fabriquer des objets mais d’utiliser des objets pour matériau comme une simple marche arrière de sa production: soustraire à l’objet son objet, ne garder de sa présence ténue qu’une tension poétique.

    Tes dernières sculptures, comme Ebrèchements blancs, sont constituées de papier que tu as collé puis scié. Ces pièces sont-elles les témoins d’un désir de diversification et de recherche de nouveaux gestes à expérimenter ? Et comment abordes-tu la notion d’expérimentation dans ton travail ? 

    Effectivement les dernières pièces se composent à partir de matériaux divers tels du papier, du verre, des sources lumineuses en rubans de LED. À chaque matériau correspond un geste différent comme « marteler » le bois ou le métal, « déchirer » les tissus, « scier » le papier, « taillader » le câble, « abraser » le verre. Les projets émergent en fonction des contextes, ceux-ci déterminent les matériaux que j\’utilise.  C\’est l\’observation, la marche, le fait d’enquêter qui met en route le projet. Cependant si l’expérimentation se concentre sur la relation entre l’action et le matériau dans l’instant, dans le maintenant ( « main tenant » )  l’oeuvre ne se résume pas à cela. L’oeuvre est investie d’investigations, de strates de sens, de niveaux de lectures possibles qui vont de l’interrogation sur le média lui même, de l’emprunt à la tradition artisanale ou historique jusqu’au détournement par l’action. Je n’explore pas un minimalisme ou une abstraction radicale, cela ne fait pas partie à ce jour des mes langages de créateur et souvent je travesti toute technique donc à minima cela parle de cela. Je n’aime pas respecter les règles du bon usage des outils et des savoirs-faire. J’ai la sensation de n’avoir appris que comme autodidacte, en détournant sans cesse l’enseignement que l’on a tenté de me transmettre.

    Ces gestes que tu opères et qui amènent à une certaine poésie, sont-ils parfois un moyen d’aborder des notions plus critiques et politiques ?

    Des projets pensés aux contenus plus politiques ont vus le jour dans mes recherches notamment lors de ma résidence en Tunisie à Gafsa. Cette ville, une des premières d’où la révolution arabe a démarré suite à différents événements tragiques (une électrocution accidentelle et une immolation en décembre 2010 ). Ebrèchement câble et Ebrèchement Jerrican ont pour origine ce contexte. Ces oeuvres portent en elles les stigmates de cette charge politique forte, cette tension par leur forme, leur confection, sans en faire immédiatement un témoignage.

    L’oeuvre Ebrèchement Porsche est une photographie prise dans le cadre d’une prospection à Hambourg. J’y découvre une voiture de luxe, fraichement brûlée, calcinée, encore odorante et repeinte à la bombe d’une couche de peinture couleur or. Je m’approprie cette métamorphose, cette action anonyme, radicale et volontaire par l’impression de cette photographie sur une plaque d’acier galvanisée de 100 X 70 cm et par l’action de marteler celle-ci à même l’image au marteau m’attaquant ainsi à la représentation, à la documentation de cette action. Par une mise en abîme, je réalise non plus une trace mais par une action, une oeuvre issue d’une action.

    Cette démarche tente de soulever diverses questions critiques: Comment faire oeuvre d’une trace d’action ou de performance au delà de sa documentation. Ou en sommes nous de cette question de la représentation de la performance ou de l’action artistique ?

    Je suis souvent déçu de voir combien la documentation des performances n’est pas suffisamment efficace pour traduire l’énergie de ce qui à été activé en live. Cela se limite trop souvent à une documentation de mauvaise qualité sans ambition. Je ne parle pas tant des oeuvres (vidéo/photo) des années 60/70 qui par leur rareté et leur qualité sommaires sont devenues des objets cultes, que d’une profusion de traces de performances d’aujourd’hui qui, malgré le recul historique et les moyens technologiques ne présentent que peu d’intérêt montrés dans l’espace d’exposition.

    Tu t’es récemment rapproché de la production plastique, par exemple l’exposition à RDV était principalement constituée de sculptures mais tu as aussi proposé une performance au finissage de celle-ci. La performance est-elle devenue plutôt secondaire dans ta pratique ?

    La pratique de la performance reste pour moi essentielle à développer car elle est par sa nature une expérience intime où le corps se met en jeu dans un temps hypnotique très dense.

    J’aime réaliser des oeuvres immatérielles dont les dispositifs déployés laissent au spectateur sa liberté d’action, de choix et de réception. Je lui propose d’être « avec », de créer un lien de présence sensible, vibratoire qui fait que le rituel se créer parce que sa présence influe sur se qui se joue. C’est aussi, pour moi, induire, proposer aux personnes présentes cette chose fondamentale et spécifique à la performance, d’être davantage témoin d’une expérience que de se sentir immédiatement destinataire de l’action qui a lieu en sa présence. C’est seulement ainsi que peuvent se déjouer les réflexes de réception et de jugements qui oeuvrent en permanence dans la posture dite du spectateur. J’expérimente avec cette intention: l’improvisation, le lâcher prise, la perte de contrôle de l’image de soi, mettant en jeu autant la fragilité d’une situation que sa force. Une grande part de mes performances convoquent une « parole performative », donnant à voir les systèmes qui sous-tendent la relation performeur / spectateur en inversant par exemple le statut de chacun… Je n’ai pas fini d’apprendre et d’expérimenter à ce sujet ! Sont également en cours de réalisations des projets de performances comme Ebrèchements Live et Cabane qui convoquent des disciplines comme la vidéo, les percussions, le son, la sculpture, l’immersion, le nomadisme…qui impliquent des relations au public différentes et à réinventer pour chaque situation.

    Enfin la transmission et l’enseignement de connaissances théoriques et pratiques dans le cadre de workshop performances constituent aussi un terrain de jeu et de recherche. C’est le levier principal que j’active dans la pratique artistique pour apporter mon expérience et la partager au delà de la production d’oeuvres et d’expositions. C’est l’opportunité d’avoir des retours sur l\’influence et les résonances que cela produit. Les participants, les élèves, que j\’ai la chance d’accompagner sur des durées très différentes, me témoignent régulièrement des bouleversements et des bénéfices que cela provoque dans leur parcours. Etre témoin de performances, de rituels révélant leur « nécessités », leurs aspirations personnelles, leurs capacités de création fait manifestement évènement. C’est être témoin d’une création de « pensées en actes », incarnées par le performeur qui se manifeste dans ce contexte avec émerveillement. Cela se manifeste, et fait manifeste ! C’est aussi du point de vu politique au sens large un positionnement que je revendique: donner les moyens aux participants de s’autoriser à agir, à créer des rituels d’émancipation qui mettent en jeu des compétences nouvelles qu’ils se découvrent à l’instant ou s’invente le processus de création par un accompagnement bienveillant, engagé et porteur.

    Comment envisages-tu la continuité de ton parcours ? 

    A mon sens la continuité de mon parcours ne se réfléchit pas isolément de cette rupture sociétale de notre début de siècle et que chacun vit. Elle interroge notre rapport au temps, au travail, aux relations et à la nécessité. La question du sens apparait de plus en plus impérieuse.

    Une façon d’être au monde avec conscience et responsabilité se pose. Il s’agit d’affirmer une liberté d’action mue par une qualité du rapport au monde et au vivant. Je souhaite garder ma liberté d’action, ma liberté de ton même s’il m’apparait clairement que ma pratique artistique va évoluer en affirmant que le regard artistique peut se poser sur toutes les activités humaines et que ce positionnement, déjà, est celui du « sensible », du corps perceptif en jeu et de son imaginaire et non celui de l’humain uniquement comme une force de travail rentable et à contrôler.

    De cet endroit, je souhaite continuer à produire des oeuvres en lien avec des contextes et à développer avec d’autres l’enseignement et le partage de ces pratiques.

    Entretien réalisé par Adeline Têtue

    Adeline Têtue / Galerie RDV

    Avant la poussière, Benoit Travers Extrait / 2018

    Avant la poussière, Benoit Travers Extrait / Marion Zillio, 2018

    Benoit Travers

    De l’air brassé au vent qui nous souffle dans le dos, on suit alors les lignes d’un câble électrique qui semble avoir été saboté. S’appuyant sur l’embrasement qui, des grèves aux électrocutions puis à l’immolation de Mohamed Bouazizi en décembre 2010, conduisit aux mouvements de révolte dans le sud de la Tunisie, Benoit Travers creuse les failles par des gestes répétés. Dans la logique de ses diverses actions et performances, il martèle de manière continue une voiture coincée sous les gravats dans le Oued asséché d’el Melah, comme pour en accélérer l’érosion ; il ébrèche à grand coup de sabre les crampons d’un pneu semblant évoquer le rocher que roule chaque jour Sisyphe jusqu’en haut d’une colline. De ces superpositions et polyrythmies, il en ressort un « dialogue sonore » rejouant l’entremêlement des rythmes percussifs produit par les ouvriers sur les chantiers. Son geste, en apparence vain et monotone, travaille les récits comme des actes, procède d’une poésie en lutte contre les destins scellés. Il incarne la capacité de remettre la croyance au service de possibilités politiques utopiques ou matérielles. Portant son attention sur des éléments saillants de l’espace urbain à Gafsa (ses briques, ses tas de pneus, ses tôles de voitures…), Benoit Travers érige les conditions d’une « architecture f(r)ictionnelle » qui façonne une partition musicale que l’on ne sait pas encore jouer. Cette dernière libère peu à peu de l’engrenage sisyphéen, des images premières, des fictions et des réalités qui empêchent de voir autrement le territoire ou d’effectuer des pas de côté. Comme le moucharabieh, son installation de briques poinçonnées produit un maillage qui accélère le vent et, dans le même temps, dérobe des regards indiscrets.

    L’œil s’affine. Les détails prennent de l’épaisseur. L’on remonte le fil du temps, l’on se laisse doucement impacter par le territoire et son histoire, et l’on se détache enfin d’une atmosphère d’expédition scientifique aux réminiscences colonialistes.

    Marion Zillio, © 2018

    Avant la poussière, à l’invitation du projet Under The Sand, Lieu unique, Nantes, du 10 au 28 février 2018.
    Minhee Kim, Amélie Labourdette, Dominique Leroy,  Wilfried Nail, Pascale Rémita,  Benoit Travers.

    Under The Sand projet Impulsé par Wilfried Nail, construit et dirigé avec Souad Mani // Porté par l’association française AZONES // Soutenu par la Région des Pays de La Loire // l’Institut Français et la ville de Nantes // Le Lieu Unique (Nantes) // Mécène Wilfried Pasquier

    © Marion Zillio

    Ré-partitions (martel en tête), 2022

    Benoît Travers
    Ré-partitions (martel en tête)

    Il y a lieu de s’alarmer. Chaque semaine, chaque jour, chaque minute, chaque seconde de nos vies prises dans un monde pétri de violence sociale et de rapports de domination en tous genres, prêt à dégainer la grosse artillerie plus vite que son ombre.

    Si, dans les actions dont procèdent ses œuvres ou qui les accompagnent, Benoît Travers use d’une certaine force de frappe en vue d’entailler la matérialité d’une réalité aussi dure que brute — fût-elle de son image lissée —, c’est moins dans l’idée d’en reproduire, dans un geste dé- monstratif, les effets destructeurs, que d’en pointer les limites et de faire saillir les zones sen- sibles qui nous entourent.

    Ebrèchement de la certitude Ebrèchement cabane
    Ebrèchement pORsche Ebrèchement vêtements Ebrèchement échafaudage Ebrèchement brouette Ebrèchement miroirs
    Ebrèchement panneau de déviation Ebrèchement boîtes à outils Ebrèchement billots de boucher Ebrèchements papierEbrèchement sonore Ebrèchement live Ebrèchements blancs

    À coups répétés. En séries, surfaces attaquées, abrasées, entamées, déformées. Des objets, des images. De dedans, de dehors. Jusqu’à faire péter le volume, et dévier le sens1.

    Après coup(s) s’observent les retraits et les reliefs de la matière soumise à une gamme de gestes2 opérant comme des motifs musicaux réitérés à fréquence et intensité variables. En phase avec ses convictions, le sculpteur-sonneur, seul ou bien accompagné, (dé)bat la mesure

    1 Les modifcations apportées aux matériaux et aux formes en troublent la perception et l’identifcation, comme une manière implicite de nous inciter à prendre position.
    2 Ebrécher, marteler, tamponner, poinçonner, percer, découper, taper des mains, etc. Main(s) tenant, la palette de gestes déployée par Benoît Travers s’accompagne d’un éventail d’outils mis rudement à l’épreuve, parfois jusqu’au point de rupture : baguettes pour batterie, marteaux, meuleuse, scie-sabre, etc.

    au contact d’objets ready made déjà chargés symboliquement par une certaine force de travail à la fois mise en avant comme en résonance, et littéralement battue en brèche(s)3.

    Abris mobiles, échafaudage, échelle, brouette, fût métallique, sirène mécanique à manivelle, boîtes à outils, billots de boucher, panneaux de signalisation, vêtements, blocs de papier, etc. peuplent cette percutante poétique du volume où la main, le corps sont à l’œuvre à travers sculptures et performances, mot(if)s et gestes combinés, entremêlés.

    La langue clappe. Les mains frappent. Le corps tape, danse, se dandine, dit.
    Les traces d’impacts et les ondes encore hurlantes fottant dans l’air témoignent de sa présence active, de son engagement dans l’action, dans l’espace. Public, politique4.

    Les rythmes que Benoît Travers dissémine au travers des ses objets et de ses actions, de ses instruments et de ses partitions, apparaissent comme autant d’adresses et de mises en relation à l’autre, au sein de l’espace que nous avons en commun. Si chacun, dans la polis, cherche sa pulsation, l’artiste nous rappelle la nécessité et l’urgence de co-opérer, de composer de concert, en sons et en gestes.

    Anne-Lou Vicente

    3 Force de travail manuelle, physique, ouvrière. L’artiste en pointe la valeur comme l’exploitation au service de ceux qui échafaudent des plans juteux, en même temps qu’il s’emploie, consciemment ou non, à en dézinguer la charge (soi-disant) virile. Voitures et autres accessoires bluffants à l’instar du paroxysmal.e pare-buffe, tels les signes exté- rieurs d’une écrasante et dominante protection, en prennent aussi pour leur grade.

    4 Le travail de Benoît Travers entretient un rapport étroit à l’espace public et bien souvent, s’y inscrit, de manière par- fois concomitante à des manifestations politiques citoyennes.

    © Anne-Lou Vicente

    ÉBRÈCHEMENT

    BENOÎT TRAVERS, « ÉBRÈCHEMENT », 2019-2020

    Avec obstination, Benoît Travers martèle. Il martèle la matière, mettant son corps à l\’épreuve des pièces de métal qu\’inlassablement il attaque, coup après coup après coup, y laissant les traces irrégulières et répétitives – mille fois, dix-mille fois renouvelées – de son obstination à lui imprimer des stigmates. Mais le métal a la peau dure ; il ne se laisse pas (a)battre facilement. Si les coups de burin du sculpteur donnent forme à la matière, Benoît Travers s\’attaque à la forme existante, la déforme, l\’informe. Le geste, simple, unique, répétitif, vain dira-t-on peut-être, opère une métamorphose inverse à celle du sculpteur. L\’objectif cependant n\’est pas de briser mais d\’ébrécher. Ébrécher volontairement, rigoureusement, continuellement jusqu\’à la limite de la destruction. D\’un geste maladroit faire un geste délibéré, maîtrisé. D\’un geste destructeur faire un geste créateur.

    Le matériel de chantier et le mobilier urbain parmi lesquels Benoît Travers choisit ses objets n\’ont d\’abord pas d\’autre valeur que celle de leur fonction. Ils ne changent de statut qu\’au fur et à mesure de l\’intervention de l\’artiste percussionniste. L\’objet, trivial, utile, manufacturé, devient œuvre, résultat d\’une épreuve de force sisyphéenne qui met à mal la robustesse des objets et fragilise leur structure. Reprenant les gestes rudes et avides qui arrachent la matière brute à la terre – des coups de pioche du mineur aux coups de hache du bucheron – l\’artiste tranforme à nouveau la matière transformée. Les coups effacent la facture industrielle, lisse, géométrique, et donnent aux surfaces un aspect vibrant et sensible.

    Le démantèlement des objets, le retour à des formes schématiques, intéresse également l\’artiste dont le faire consiste en partie à défaire. Sous ses coups, les jerricans s\’ouvrent et s\’aplatissent, les boites à outils se disloquent, victimes des instruments mêmes qu\’elles abritaient. Mais c\’est autant dans leur forme que dans leur relation à l\’espace que les éléments s\’autonomisent. Les fragments déployés des boites à outils s\’enroulent et s\’agrègent pour s\’ériger en un totem aux couleurs primaires ; l\’échelle, rendue inutilisable, abdique sa fonction et s\’horizontalise ; vestige de travaux achevés, un échafaudage chancelant continue de se dresser dans le vide, tandis que ses stabilisateurs, contraints par la force de passer d\’une section ronde à carrée, semblent désormais supporter l\’architecture – le gros œuvre dirait l\’ouvrier – malgré leur évidente instabilité.

    Sur la plate-forme de l\’échafaudage, seule partie demeurée intacte, Benoît Travers présente la vidéo de Variations Wittgenstein, une performance à deux voix et quatre bras réalisée en 2017 avec l\’auteur Stephan Riegel. De la documentation vidéo de ses performances, Benoît Travers fait des pièces à part entière. Filmées en caméra subjective par un dispositif de captation tractée aléatoirement au ras du sol, les images nous emmènent « au cœur de l\’action ». Dans le cas des Variations, on assiste ainsi à l\’ébrèchement d\’une palette de bois qui retrouve, au rythme des coups, l\’aspect et l\’essence de sa matière d\’origine, fibreuse, organique. Originellement accompagnée d\’une lecture d\’extraits du Cahier Bleu (1934) de Ludwig Wittgenstein – qui quitta un temps la philosophie pour se consacrer à la construction d\’une cabane au fond d\’un fjord norvégien – cette performance inaugurale du travail d\’ébrèchement se présente comme une méditation par et sur l\’effort physique.

    Enfin, si les sculptures de Benoît Travers ne se conçoivent pas sans l\’effort du corps, que l\’on perçoit dans chaque impact, elle sont tout aussi indissociables du tapage qui préside – littéralement – à leur création et que l\’on devine même dans le silence de leur restitution. Pour accompagner ses installations, l\’artiste proposera aussi bientôt une performance sonore, comme un écho ré-activable du geste performatif. Percussions, sirènes d\’alarmes manuelles et musique assistée par ordinateur se répondront dans une composition inspirée du procédé de déphasage inventé par Terry Riley et John Cage dans les années 1960-1970. Répétitions, étirements et compressions rythmiques : la matière sonore de la performance sera façonnée par les mêmes processus que la sculpture de l\’endurance pratiquée par l\’artiste. Ainsi, dans l\’espace résonneront encore les coups, le prix de l\’acharnement de l\’artiste, livré à nos yeux comme à nos oreilles.

    © Clara Muller, 2019.

    © Clara Muller, 2019.

    Don Quichotte, Rester dans le trouble / Poésie performance
    Ebrèchement ABRIS, PARIS, 2023